Critiques // « Nema Problema » de Laura Forti à l’Épée de Bois / Un Automne à Tisser

« Nema Problema » de Laura Forti à l’Épée de Bois / Un Automne à Tisser

Sep 29, 2010 | Aucun commentaire sur « Nema Problema » de Laura Forti à l’Épée de Bois / Un Automne à Tisser

Critique de Bruno Deslot

L’enfer de la guerre !

Un jeune homme de 23 ans, parti à la recherche de ses grands-parents en Croatie, découvre les horreurs de la guerre.

L’arrogance de la jeunesse, la fougue du photographe intrigué et persuadé d’accomplir sa mission bascule bien rapidement dans une réalité qu’il est difficile d’évoquer. Venu en Croatie pour y chercher ses grands-parents, le jeune italien est enrôlé malgré lui dans une guerre indescriptible. Entre terreur et silence d’une éloquence parfois choquante, le jeune photographe accomplit sa tâche sans affect, enfin du moins c’est ce qu’il croyait ! Prendre les armes, se livrer à des exactions sans concessions. assister, passif, aux ravages d’une guerre que l’Occident regarde de loin, Les horreurs sont nombreuses et le jeune homme en porte les stigmates. A son retour au pays, dans son Italie natale, il raconte, se confesse à propos de cette histoire, de l’Histoire qui n’a épargné personne. Il se réfugie dans Lover Man de Charlie Parker afin d’expier sa peine et chasser les fantômes de l’horreur.

Une partition universelle

Nema Problema de Laura Forti est avant tout un rapport duel entre un saxophoniste installé dans un mutisme que les notes de son instrument libèrent et un comédien narrant une histoire, l’Histoire avec un grand H, que l’Occident a passé sous silence. Cette sonate met en lumière, avec une puissance émotionnelle toute particulière, la cruauté de la guerre et son absurdité. Raphaël Almosni interprète le rôle du Comédien avec une fragilité et une sincérité qui nous parviennent simplement. Dans une course haletante, il nous invite à partager ce dont personne n’a parlé, ce sur quoi aucuns médias n’a mis de mots ni d’images : la guerre et ses conséquences sur l’être humain. Dévasté, ravagé et anéanti, il porte avec une profonde humanité tout le poids d’une expérience de vie qui l’a fait basculer vers la mort, bien malgré lui. Sa relation duelle avec Le musicien s’inscrit dans une alternance de notes aux variations émouvantes. Entre voix et musique, le texte jaillit par fulgurance dans une urgence à dire, à expier ce qui n’est pas qu’une malheureuse parenthèse dans l’histoire d’un peuple, mais interroge au contraire la notion même d’oubli, si chère à Paul Ricoeur. Le Musicien fait résonner les notes d’un Lover Man salvateur, rassurant pour Le Comédien qui a trouvé en Charlie Parker, la voix étourdissante d’un homme dont le combat ne fut jamais vain. Parcourant un sol gris impersonnel, rayonnant dans un clair-obscur qui plonge les personnages dans une intimité assez forte, les deux hommes s’opposent et se complètent dans un tumulte bruyant parfois gênant mais permettant de noyer certaines parties du texte, totalement anecdotiques et sans intérêts, dans une confusion totale au point qu’on ne l’entend plus. Il ne nous reste finalement que l’essentiel, puissant, poétique et universel. Alain Batis propose une mise en scène sensible et intelligente d’un texte puissant mais bavard en recourant à un univers intimiste et très épuré. C’est une réussite artistiquement bouleversante.

Nema Problema
De
: Laura Forti (Ed. Actes Sud)
Par : Cie La Mandrine Blanche
Scénographie : Sandrine Lamblin assistée de Philippa Butler
Avec la collaboration de : Cécilia Delestre
Lumières : Jean-Louis Martineau
Costumes : Jean-Bernard Scotto
Création musicale : Stanislas de Nussac
Avec : Raphaël Almosni et Stanislas de Nussac

Du 28 septembre au 24 octobre 2010
Dans le cadre du festival
Un Automne à Tisser

Théâtre de l’Epée de Bois
Cartoucherie, Route du Champ de Manœuvre, 75 012 Paris
www.epeedebois.com

www.lamandarineblanche.fr

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