Critiques // Near, Ballet Cullberg, chorégraphie Eleanor Bauer, conception Eleanor Bauer et Jonatan Leandoer Håstad alias Yung Lean, MC 93, Bobigny

Near, Ballet Cullberg, chorégraphie Eleanor Bauer, conception Eleanor Bauer et Jonatan Leandoer Håstad alias Yung Lean, MC 93, Bobigny

Juin 03, 2019 | Commentaires fermés sur Near, Ballet Cullberg, chorégraphie Eleanor Bauer, conception Eleanor Bauer et Jonatan Leandoer Håstad alias Yung Lean, MC 93, Bobigny

 

© DR

 

ƒƒ Article de Philippe Escalier

Le riche programme des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis se terminant le 22 juin 2019 a donné l’occasion au public de découvrir le ballet Cullberg, dans la première française de Near, signée Eleanor Bauer.

S’il fallait associer un chorégraphe à un peintre, sans nul doute, le nom d’Eleanor Bauer, installée à Stockholm depuis 2017, devrait être accolé à celui de Jérôme Bosch, tant son travail est dense, foisonnant, onirique et étonnant. Car ce qui préside d’abord à la vision de son œuvre, c’est la surprise au sens où rien de ce qui se passe n’est attendu et rien de ce que vous allez voir n’a déjà été vu. D’ailleurs, il n’est pas inutile de préciser d’entrée de jeu que la jeune chorégraphe, originaire du Nouveau-Mexique, est avant tout une performeuse. Ses tableaux, occupant généreusement la totalité de la scène sur laquelle est disposée un décor disparate, figurant une sorte de squat urbain, fait de bric et de broc, où la clarté obtenue par des tubes de néons incandescents parvient à gagner quelques espaces sur l’obscurité ambiante, font penser à des scènes de cinéma underground. Une fois intégrée l’idée que ce qui se passe devant nous n’offre pas une lecture unique et que l’on cherche à nous perdre sans forcément avoir l’espoir de nous retrouver, l’on entre avec moins de difficultés dans cet univers troublant, au langage atypique et radical, décrivant une vie urbaine déstructurée, n’obéissant plus à aucune loi, où chacun joue une partition, où la danse a depuis longtemps cédé le pas au mouvement désordonné et où la musique du rappeur Yung Lean tient lieu de viatique atonal. Les danseurs se touchent, se troublent, s’unissent et se quittent, certains rivés à leur portable en émettant quelques sons, d’autres participant à un mini groupe orchestral, tous déambulant sans but apparent. Impossible de déterminer si nous assistons au soubresaut d’une société finie ou à la renaissance chaotique d’un univers nouveau mais décadent, émergeant avec une force brouillonne  des cendres d’un ancien monde.

L’un des grands mérites de cette création où le paradoxe règne en maître, est que sous son apparent désordre, un récit s’organise sous notre regard en trouvant, au final, une régulation presque tranquille, comme si, de gré, de force ou de guerre lasse, un certain ordre finissait toujours par s’imposer. La prestation des douze danseurs que l’on voit au final quitter la scène, un par un, dans un lent mouvement calme et apaisant, est assez bluffante, les artistes se jouant des difficultés avec une aisance remarquable. Cette magnifique troupe basée en Suède, aux origines internationales, (avec notamment, sur le plateau, deux danseurs français), porte haut ce ballet qu’elle s’est appropriée et qu’elle contribue, sacré tour de force, à rendre audible. Elle permettra de rassembler ceux qui adhérent comme ceux qui entendront avec moins de facilité une langue chorégraphique résolument moderne, quasi apocalyptique et volontairement déstabilisante, en phase avec une vie foisonnante dont elle est issue, faite de bouleversements, de précarité et d’incertitudes mais jamais dépourvue de personnalité.

 

Near, d’Eleanor Bauer

Chorégraphie : Eleanor Bauer

Conception Eleanor Bauer et Jonatan Leandoer Håstad/Yung Lean

Ballet Cullberg

Avec : Adam Schütt, Anand Bolder, Camille Prieux, Daniel Sjökvist, Eleanor Campbell, Gesine Moog, Giacomo Citton, Katie Jacobson, Mohamed Y. Shika, Suelem de Oliveira da Silva, Sylvie Gehin Karlsson, Unn Faleide

Musique : Jonatan Leandoer Håstad/Yung Lean en collaboration avec Frederik Valentin

Décors : Josefin Hinders

Création lumières : Jonatan Winbo

Création costumes : Pontus Pettersson

Répétitions : Lisa Drake

Assistant décors : Linnea Birkelund

 

Dans le cadre des Rencontres chorégraphiques internationales de de Seine-Saint-Denis :

www.rencontreschoregraphiques.com

 

Durée : 1 h

 

MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis

9, boulevard Lénine

93000 Bobigny

01 41 60 72 72

www.mc93.com

 

 

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