© Alex Huot
ƒƒƒ article de Denis Sanglard
Dave St-Pierre et son avatar. C’est ce dernier qui nous accueille au Tarmac, nu, perruque blonde en bataille, empaqueté dans une house de plastique, bref, complétement cintré. Celui-là même que nous avions découvert dans « Un peu de tendresse bordel de merde ! ». Mais derrière ce double il y a le formidable danseur Dave St-Pierre, loin d’être cet histrion vibrionnant à la voix haut-perchée apostrophant les spectateurs, mettant le boxon sur le plateau « en attendant Dave ». « Néant » son dernier opus, en solo, oscille entre la performance et la provoc, orchestrées de main de maître par son avatar, et quatre soli, courts instants bluffant ou décoiffé de sa perruque, déhoussé, apparaît le danseur en majesté, dans toute sa formidable, fragile et impressionnante présence. Solo dépouillé de tout, entre tension et relâchement, où le corps traverse l’espace du plateau, une simple marche parfois entre apparition et disparition dans un brouillard à couper au couteau. Une danse épurée, organique, libre, dégagée de toutes contingences, d’astreintes. Un corps articulé, désarticulé, ouvert, sensible, à l’écoute de lui-même. Expérimental. Dans « Néant » Dave St-Pierre brouille volontiers et avec habilité les codes de représentations. Entre performance, danse et art plastique, la frontière devient poreuse. Les images offertes sont comme autant d’expérimentations, de variations, autour d’un même sujet, le corps. En liberté ou contraint, nu ou support vidéo, c’est un chemin cohérent ou le danseur-chorégraphe se plie autant qu’il résiste aux références, y compris les siennes. Etonné lui-même, et quelque peu matois, de son parcours dont il essaie ici en vain de démystifier, comme une imposture dont il ne serait pas dupe. Ce qui nous vaut une hilarante galerie de portraits, parodie des chorégraphes contemporains qu’il a côtoyé lors des festivals où sa compagnie était invitée : Pina Bausch, Olivier Dubois, Jan Fabre… et un savoureux pastiche de Marina Abramovic. Et son avatar n’est-il pas le pastiche attendu de Dave St-Pierre lui-même dans un exercice d’auto-parodie salutaire ? Mais au-delà de cet étonnement, feint ou réel, c’est aussi poser la question de la place de la danse aujourd’hui et de son évolution, de sa représentation. Qu’est-ce que danser ? Et pour lui-même ? La réponse de Dave St-Pierre est sans aucun doute, on le voit ici dans ce manifeste, dans l’accumulation de strates, de propositions dont il se dépouille ou revêt au gré de ses expérimentations. Mais derrière tout ça, au-delà de ce discours, c’est aussi la face sombre du danseur qui plante tout soudain son personnage de clown peroxydé comme une house encombrante dont il se dépouille pour atteindre dans cet exercice en solitaire une dimension tragique. On est bouleversé par ces projections vidéo, faussement naïves, au goût d’enfance, où l’on voit surgir et griffer au sang le croque-mitaine. Par cette danse fantomatique d’un corps méditatif, réfléchi, en apnée, cherchant une respiration. Danse de mort pour qui connaît le sursis. Un corps plastique, métamorphe, anamorphe. Et le dernier solo, image sans doute la plus forte, où Dave St-Pierre n’est plus qu’un albatros empêché baudelairien. La clef peut être de cette interrogation. « Néant » était pour Dave St-Pierre la tentation de « tout détruire et de recommencer ». C’est au final une bouleversante renaissance.
Néant, création et interprétation de Dave St-Pierre
Une création de la compagnie Dave St-Pierre
Conception vidéo Alex Huot
Conception lumière Hubert Leduc-Villeneuve
Son, musique Stéphane Boucher
Œil extérieur et répétitrice Marie-Eve CarrièreDu 11 octobre au 14 octobre 2017
Mercredi, jeudi et vendredi à 20h
Samedi à 16hLe tarmac
Scène internationale francophone
159 avenue Gambetta
75020 ParisRéservations 01 43 64 80 80
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