Article de Victoria Fourel

© DR

Un dimanche matin, le corps d’une jeune femme est retrouvé dans un fossé. Le meurtre et sordide, l’enquête aussi, la réalité a rattrapé la douce image d’adolescente d’Elisa. Un inspecteur tente de démêler l’histoire dans une petite ville où l’on aimerait que les drames n’arrivent qu’aux sujets à risque.

Paravidino livre un texte cru sur une époque où la violence est banale, ordinaire, où les minettes sont des proies et où tout le monde se défend de quelque chose. Il n’est pas inintéressant dès lors de proposer une mise en scène très cinématographique. Le ton nous est rapidement donné, réaliste, fort en termes de volume, très projeté. Le tout rappelle de nombreuses séries policières de qualité, dans lesquelles le réel prend une place folle, chose qui ne passe pas forcément au plateau. Le problème, ici, est celui d’un déséquilibre entre cette violence permanente, à la fois dans la narration et dans la forme, et un décalage théâtral qui tente d’empêcher que le spectacle soit trop premier degré. De même, la vidéo prend de la place, et a plusieurs fonctions : amplification de la violence, mise en contexte des lieux de l’action, humour. Le tout est tellement systématique que l’on peine à en sortir, et à conserver un rythme toujours satisfaisant. Les lumières sont très réussies, pleines d’idées, mais avec tant d’effets, il est difficile d’éviter tous les temps morts. Et ce, malgré une rapidité à l’exécution des scènes et des enchaînements, franchement technique et intéressante.

Le texte ne fait pas de cadeau, c’est une évidence. Jouer un interrogatoire de police seul de bout en bout, ou la solitude d’une mère au milieu du reste du monde, c’est un exercice fascinant, que les comédiens mènent avec solidité. Mais le texte étant basé sur des points de vue successifs des uns et des autres, les partitions s’enchaînent, et un difficile équilibre s’installe entre la dureté et l’humour, le réalisme tragique des personnages, et un permanent second degré un peu poussé. Ce qui se joue est tellement grave, tellement noir, mais aussi tellement ironique, parfois, qu’il n’est nul besoin de le marquer en jeu. Un parti pris qui a du chien et de l’audace, mais qui perdra son authenticité si on n’y distille pas un peu de simplicité.

C’est une mise en scène très graphique, pleine d’action et de diversité dans les idées que propose Céline Lambert. Le spectacle mérite néanmoins de se poser, de laisser les intentions s’élargir et devenir plus sincères pour que cette nature morte prenne toute sa mesure de vrai moment de théâtre.

Nature Morte dans un fossé
Texte Fausto Paravidino
Mise en scène Céline Lambert

Avec Gwanaelle Hérault, Romain Pirosa, Melchior Carrelet, Mehdi Harad, Isabelle Couloigner et Raphaël Beauville.

Le 3 mai à 21h, puis du 11 mai au 11 juin.
Les jeudis, vendredis et samedis à 21h et les dimanches à 17h.

La Manufacture des Abbesses
7 rue Véron – 75018 Paris
Métro Abbesses
Réservation 01 42 33 42 03
www.manufacturedesabbesses.com

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