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Mon pays, ma peau, d’après Country of my skull d’Antjie Krog,  adaptation et mise en scène de Lisa Schuster, Théâtre du Lucernaire, Paris

Jan 18, 2022 | Commentaires fermés sur Mon pays, ma peau, d’après Country of my skull d’Antjie Krog,  adaptation et mise en scène de Lisa Schuster, Théâtre du Lucernaire, Paris

 

 

© Xavier Cantat

 

ƒƒ article de Hoël Le Corre

En 1995 Nelson Mandela devient le premier président noir d’Afrique du Sud, mettant fin à l’Apartheid après des décennies d’un système inégalitaire, honteux, où les violences ont touchés tous les camps politiques, sociaux et ethniques. Mais ce n’est pas parce qu’on décide de la fin d’un système que celui-ci est facilement oublié. Mis en place en 1948, il a fait des ravages sur les populations noires d’abord mais aussi depuis les années 1970 a fait basculé le pays dans une guerre civile faite d’attentas, de sabotages, d’arrestations et de répressions sanglantes avec son cortège de bavures policières et de meurtres menés par de mystérieux « escadrons de la mort à la sud-américaine ».

Ces années de ségrégation systématique ont divisé profondément les populations d’Afrique du Sud… Comment faire alors pour les faire vivre ensemble à nouveau après un passé si lourd ? Et est-ce possible, souhaitable, envisageable quand les bourreaux sont censés côtoyer désormais les victimes, et que la peur et le ressentiment sont toujours présents ?

Mon pays, ma peau explore cette difficile « réconciliation nationale » au sortir de l’Apartheid en retraçant le quotidien de la Commission Vérité et Réconciliation, dirigée par le pacifiste et charismatique archevêque Desmond Tutu. Sillonnant l’Afrique du Sud et recueillant des témoignages de Noirs et de Blancs, de riches et de pauvres, aussi bien des familles endeuillées que des assassins avec plus ou moins de scrupules, la Commission va tenter de recenser mais aussi de faire la lumière sur quelques zones d’ombres, et ce dans un but apaisement et de réparation.

C’est alors qu’entre en scène Antjie Krog − interprétée par Romane Borhinger − célèbre poétesse Afrikaner et catapultée envoyée spéciale pour couvrir ces auditions. Mais cette journaliste n’est pas tout à fait objective évidemment puisqu’en tant que blanche, elle vient du « camp des bourreaux ». Elle se trouve ainsi confrontée aux interrogations des plus intimes ainsi qu’à des peurs légitimes jusqu’à, elle aussi, faire l’expérience au plus profond de sa chair et de ses convictions de cette nécessaire réconciliation nationale. Diouc Koma quant à lui interprétera avec finesse et seulement quelques marqueurs de gestuelle et de voix les différents personnages qui gravitent autour de cette commission et les proches d’Antjie.

A la croisée du théâtre documentaire et du récit intime, Mon pays, ma peau prend la forme d’une lecture-spectacle, ainsi l’a souhaité Lisa Schuster pour permettre un rapport direct avec le public. Et l’effet est réussi, grâce à une émotion palpable malgré la mise en scène réduite à quelques déplacements. Le charisme des deux comédiens et leur investissement dans l’émotion nous aide à passer la barrière des feuilles blanches d’où les mots s’échappent.

La pauvreté du décor (une table, quatre chaises de collectivité et un néon) rappelle volontairement le dénuement du mobilier de la commission Vérité et Réconciliation. Et l’utilisation de micros, d’enregistrements et d’un poste de radio vient insister sur l’importance de ce média pour relayer les informations qui circulent à l’intérieur de la commission.

Ce spectacle a le mérite de mettre en lumière les affres, les espoirs et les rebondissements de la commission dans une sorte de thriller politique et de les mêler à une histoire personnelle, qui donne de la substance à la simple succession des témoignages. On ne peut que souligner que, hasard du calendrier, il se joue un mois après la mort de Desmond Tutu, et au vu du portrait qui est fait de lui, c’est un très bel hommage à l’homme et ses convictions !

 

© Xavier Cantat

 

Mon pays, ma peau, conception et mise en scène : Lisa Schuster

Texte: d’après Country of my Skull d’Antjie Krog

Avec Romane Bohringer et Diouc Koma

Création sonore : Bernar Vallery

Scénographie : Thibaut Kack

Création lumières : Thierry Capéran

 

Avec les voix d’Aurore Déon, Djénéba Diarra, Emmanuel Gay, Thierry Lecomte et Lazare Minoungou

 

Durée : 1 h 30

Du 12 janvier au 21 février 2022 à 21 h, du mardi au samedi, et 18 h le dimanche

 

Théâtre Le Lucernaire

53, rue Notre-Dame-des-Champs
75006 Paris

Téléphone : 01 45 44 57 34

www.lucernaire.fr

 

 

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