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Molière-matériau(x), Pierre Louis-Calixte, mise en scène de Pierre Louis-Calixte, Studio-Théâtre de la Comédie-Française

Avr 08, 2022 | Commentaires fermés sur Molière-matériau(x), Pierre Louis-Calixte, mise en scène de Pierre Louis-Calixte, Studio-Théâtre de la Comédie-Française

 

© Vincent Pontet, coll. Comédie-Française

 

ƒƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia

Molière-matériau(x) est le titre choisi par Pierre Louis-Calixte pour son seul en scène qui entre à la fois dans la collection Singulis de la Comédie-Française et dans la programmation Molière de cette saison 2021-2022.

Comme pour tous les Singulis, c’est une proposition personnelle qui est ici livrée par un sociétaire de la Comédie française. Pierre Louis-Calixte fait d’ailleurs référence à son entrée dans la maison Molière, grâce à Jean-Baptiste comme il décide de l’interpeller dès les premières minutes. En effet, Pierre Louis-Calixte entre au Français au pied levé avec Molière après avoir été appelé par Murielle Mayette, alors administratrice, pour reprendre le rôle de Cléante dans le Tartuffe mis en scène par Marcel Bozonnet en raison de la disparition aussi inattendue que brutale et précoce de Daniel Znyk en 2006. Devoir un tel rôle à une telle disparition ! Endosser au sens propre et figuré son costume, voilà qui n’est ni habituel ni aisé.

En tout état de cause, le parcours de Pierre Louis-Calixte ne relève ni de l’évidence, ni de l’ordinarité, et sa rencontre avec Molière non plus. Certes, il s’était frotté dès son plus jeune âge à sa langue et surtout à son monde, et à celui qui va devenir sien tout simplement. Le monde magique du théâtre. Celui qui autorise tout. Celui qui permet de devenir intouchable, même après être monté sur une table de classe, où l’on s’ennuie souvent, et crier, le visage grimé, de toutes ses forces, « Au voleur !!! ». Molière traversera ensuite sa vie par de multiples clins d’œil.

C’est cela qui est l’essentiel dans cet hommage singulier. Savoir si Molière est né en 1622 ou comme l’écrivait Voltaire en 1620, a finalement peu d’importance. S’en tenir aux faits sur Molière, pour quoi faire ? En tout cas, d’autres l’ont fait et continueront à le faire. Pierre Louis-Calixte a lui autre chose à faire. Peu lui importe que les dernières découvertes des historiens semblent attester que Molière ne se savait pas du tout malade comme on l’a longtemps cru et répété et que la fameuse envolée d’Argan (« N’y-a-t-il pas quelques dangers à contrefaire le mort ?») dans le Malade imaginaire n’aurait finalement pas été prémonitoire. Pierre Louis-Calixte reprend la légende car n’est-ce pas plus inspirant pour l’imaginaire du comédien comme du spectateur ? Dans son Molière-matériau(x) ce ne sont pas donc les registres de naissance, les propriétés (quoi que, à travers le canapé acheté dans la propriété d’Auteuil, des traces fantasmagoriques sont entrées dans la loge du 524ème sociétaire…), les documents administratifs qui accumulent les dates et faits sur la vie supposée réelle du dramaturge du XVIIème qui importent, ce sont les passerelles, les chemins qui existent entre les œuvres, les vies, les siècles et qui nous font aimer Molière, disserter sur Molière, critiquer ses adaptations quatre siècles encore après sa naissance. Le « flot, le flux, le flou romanesque » sont de fait bien plus intéressants pour construire sa propre image.

Molière-matériaux rend un hommage modeste, intime et même intimiste au génie (comme Louis Jouvet le qualifiait avec dévotion ainsi qu’il est rappelé dans On ne sera jamais Alceste qui se joue dans le même Studio Théâtre) du théâtre français. L’adresse de Pierre Louis-Calixte à Molière en forme de faux dialogue, est un texte d’une très grande beauté. Pas seulement parce qu’il livre des confidences tout en retenue, sur l’enfance à Yaoundé, le grand-père paternel et sa canne, du grand-père maternel qui ne viendra jamais le voir jouer, de la maladie qui dévore et s’approprie les corps et les cerveaux, le corps du fils, le cerveau du père, ces matériaux si précieux du comédien. Celui de Lagarce aussi. Une longue digression sur Juste la fin du monde, un peu trop longue sur le moment. Mais on comprend que c’est important aussi de rendre hommage à Molière à travers Lagarce et à Lagarce à travers Molière, auquel il consacra un Malade imaginaire endeuillé. Le texte est d’une très grande beauté aussi parce qu’il est très bien écrit et bien dit. Tout simplement.

Les vibrations du métro de la ligne 1 si présentes au Studio-Théâtre, passent et repassent, comme un anachronisme. Et puis non. Elles s’intègrent. Le comédien les suit une fois d’un regard. Magique. Tout est fluide, y compris dans les hésitations, les silences.

 

© Vincent Pontet, coll. Comédie-Française

 

Molière-matériau(x), de Pierre Louis-Calixte

Texte, conception : Pierre Louis-Calixte

Lumières : Catherine Verheyde

Avec : Pierre Louis-Calixte

 

Durée 1 h 20

Jusqu’au 24 avril 2022, relâche les 16 et 17 avril

Du mercredi au dimanche à 20 h 30

 

Studio-Théâtre – Comédie-Française

Galerie du Carrousel du Louvre

Place de la Pyramide inversée

99 Rue de Rivoli, 75001 Paris

comediefrancaise.fr

 

 

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