À l'affiche, Critiques // Miss Nina Simone, de Jina Djemba et Anne Bouvier, d’après Nina Simone, roman, de Gilles Leroy, mise en scène Anne Bouvier, au Théâtre du Lucernaire

Miss Nina Simone, de Jina Djemba et Anne Bouvier, d’après Nina Simone, roman, de Gilles Leroy, mise en scène Anne Bouvier, au Théâtre du Lucernaire

Avr 27, 2018 | Commentaires fermés sur Miss Nina Simone, de Jina Djemba et Anne Bouvier, d’après Nina Simone, roman, de Gilles Leroy, mise en scène Anne Bouvier, au Théâtre du Lucernaire

ƒƒ  Article de Victoria Fourel

 © Olivier Foeller

Nina Simone est une figure emblématique de la musique du XXème siècle, en même temps qu’elle est restée mystérieuse et sombre, un amalgame d’ombre et de lumière, que les hommes, la scène et sa musique n’ont eu de cesse de révéler. Pour la dépeindre, Anne Bouvier et Jina Djemba font le choix de la fiction autobiographique, dans un spectacle qui décrit l’artiste et imagine la femme.

Au début du spectacle, on ne sait si on se laissera faire. D’abord, l’adaptation du roman est imparfaite. La narration, à la première personne, en adresse directe, par le personnage imaginaire de l’intendant, permet de donner au public certains pans que l’écriture théâtrale n’aurait peut-être pas permis, les odeurs et les sensations, par exemple. Mais il y a aussi une forte tentation à expliquer ce qu’il se passe au plateau, et le spectacle n’y coupe pas. A de nombreux moments, la narration ne fait que décrire l’action, rendant le tout un peu lourd.

Autre écueil, l’interprétation d’un génie. Plus jeune que la Nina Simone qu’elle interprète, Jina Djemba appuie la ruine physique et morale de la femme qu’elle incarne. Dans un premier temps, on flirte avec la caricature. Difficile en effet de faire apparaître tout le charisme et le cynisme d’une telle femme. Il faut attendre que le spectacle soit bien entamé pour que l’actrice se libère de son personnage et se rapproche d’elle-même. En effet, on sait dès le début l’état de Nina Simone, son côté inquiétant et inquiet, sa solitude rendue évidente par ses premiers échanges avec l’intendant Ricardo. Nul besoin, dès lors, d’appuyer sur les fins de phrases, de singer l’autorité, la déchéance physique.

Et tout se délie au fur et à mesure que le spectacle avance, que la relation entre la chanteuse et son employé se lie, que les comédiens se lâchent. On ose la complicité, le rire, et la musique. La place des chansons dans la pièce est importante sans tout engloutir, et là, la comédienne ne singe pas la chanteuse qu’elle interprète. On est de plus en plus touché par les aventures de Nina et Ricardo, par le parcours de cette star malgré elle, qui aurait voulu être concertiste classique. On découvre ou redécouvre l’attachement de cette génération pour son Afrique d’origine, pour la lutte pour les droits civiques. Là, le spectacle prend son sens. Grâce notamment à l’interprétation de Valentin de Carbonnières, qui, quand il n’est pas empêché par le texte, est très touchant, dans le vrai.

Il est extrêmement difficile de jongler entre fiction et biographie, de s’affranchir de la figure que l’on raconte tout en y étant complètement fidèle, et cette création n’échappe pas à ces écueils. Quelque chose de fort se joue pourtant, aidé par de belles lumières et un rythme juste. S’il se concentre sur l’atmosphère et sur la simplicité dans le jeu, ce spectacle ne peut qu’être un vrai et bel hommage.

 

Miss Nina Simone
De Jina Djemba et Anne Bouvier
D’après Nina Simone, Roman de Giles Leroy

Mise en scène Anne Bouvier
Avec Jina Djemba, Valentin de Carbonnières et Julien Vannier

Du 18 avril au 2 juin 2018.
Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 18h.

Théâtre du Lucernaire
53 rue Notre-Dame des Champs 75006 PARIS
Réservation 01 45 44 57 34
http://www.lucernaire.fr

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