© Nathalie Sternalsky
ƒƒƒ article de Nicolas Brizault
Misery est un des nombreux romans de Stephen King, publié en 1987 et porté à l’écran dès 1990 par Rob Reiner. On a tous eu peur et adoré en même temps, sadomasochistes que nous sommes. Un écrivain célèbre, Paul Sheldon, qui en est à son neuvième roman racontant les aventures de son héroïne Misery, a un accident de voiture lors d’une tempête de neige, alors qu’il retournait à New-York. Il est sauvé et pris en charge par Annie Wilkes, une infirmière, qui le ramène chez elle, maison en rase campagne, et le soigne. Alléluia pourrions-nous dire, sauf qu’Annie Wilkes est « la première » admiratrice, comme elle dit, des romans de Sheldon, qui lui doit la vie, certes, mais se trouve coincé chez une psychopathe qui va bien la compliquer, cette vie. Menaçante et adoratrice, Misery veut le dixième tome, la suite, et exactement comme elle l’entend.
Annie Wilkes est ici jouée par la formidable Myriam Boyer. On sent tout de suite qu’il y a un souci, dans ce décor sobre et froid, sous la neige, une pièce où la lumière fait naître tout en haut des lignes qui s’entrecroisent, rouges. Annie Wilkes vibre, sait être bonne et broyer à coup de marteau les jambes de son héros Sheldon, qui voulait fuir, le traître. Myriam Boyer est à côté d’elle-même, une essence de mensonge, de furie, de tristesse et d’abandon. Elle nous emprisonne, nous retient par la force phénoménale et terrifiante qu’elle offre sur scène. Elle ne joue pas, elle est.
D’ailleurs, son pouvoir machiavélique et cinglé tient à lui seul la pièce. En face, Francis Lombrail n’est pas à la hauteur. Il souffre, ça il sait faire, dire « ouilleououille, j’ai mal ! » mais surprend de ne pas donner plus d’intensité à une terreur qui devrait même enlever les pointes d’humour que l’on peut sentir ici ou là chez ce personnage. Une douleur et une colère molle ou vaguement vraies qui déçoivent un peu. Comme si elles étaient certaines de la fin, où ce jeu s’arrange un peu, même si c’est toujours Annie Wilkes, euh, pardon, Myriam Boyer, qui l’emporte entre les deux.
La mise en scène a quelques petits défauts, comme ces passages vidéos réguliers du début (on n’en voit pas ensuite, on ne sait pas pourquoi) : ils écrasent un peu la subtilité du jeu et ont des airs de bandes annonces qui tombent à côté de la plaque. Détails me direz-vous : non, Myriam Boyer nous tient par les cheveux, nous fait sentir le froid dehors et le sang du flic qu’elle abat, la naphtaline de ses placards, le goût de la soupe. C’était bien assez. La trouille est là, on sort vite fait et on s’enferme chez soi, se disant que jusque début janvier, une Misery traîne dans les rues de Paris.
© Nathalie Sternalsky
Misery, une pièce de William Goldman d’après le roman de Stephen King
Adaptation française Viktor Lazlo
Mise en scène Daniel Benoin
Assistante à la mise en scène Alice-Anne Filippi Monroché
Scénographie Jean-Pierre Laporte
Costumes Nathalie Bérard-Benoin
Lumières Daniel Benoin
Vidéo Paolo Correia
Avec Myriam Boyer et Francis Lombrail
Matinée le dimanche à 15h
Réservations 01 43 87 23 23
Théâtre Hébertot
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