Critiques // Mille Milliards de Soleils, écrit et mis en scène par Elie Salleron, Théâtre de La Reine Blanche

Mille Milliards de Soleils, écrit et mis en scène par Elie Salleron, Théâtre de La Reine Blanche

Nov 11, 2019 | Commentaires fermés sur Mille Milliards de Soleils, écrit et mis en scène par Elie Salleron, Théâtre de La Reine Blanche

 

© Mathias Bourdelier

 

ƒƒƒ article de Ducrot Numina

Mille milliards d’obsessions. Et comme le dit la compagnie Rascar Capac : Au travers de nos spectacles, nous nous réapproprions les désordres de l’Humain pour en défaire le sinistre et y exulter la grande fête. Elie Salleron a su se saisir des plus beaux relents émanant des angoisses, des douleurs et interrogations existentielles de notre époque : l’humour et l’intelligence qui en émergent. Incandescente et profondément engagée dans la cause humaine, la compagnie Rascar Capac soulève une question au goût du jour – et à l’heure de la sur-culpabilité des politiciens et médias concernant le dérèglement climatique – : Le monde avant L’humaniste ou L’humanisme avant le monde ? Dans ces conditions, après règles du jeu exposées, nous pouvons nous déposer au pied du plateau afin de mieux laisser notre altruisme se faire disséquer par ce laboratoire clownesque.

En effet, toujours avec légèreté, les comédiens infiltrés, qui se désolidarisent du public, tissent subtilement le linceul de notre société et de notre citoyenneté. D’abord la culture (intellectuelle), notre sceau d’appartenance à un certain type de caste ou plutôt notre cicatrice. Les comédiens se transforment par moment en sophistes-citationnistes, citation pédante et caduque parallèlement aux actions simples qui se déroulent. Ce burlesque lié aux décalages entre les grands mots et la légèreté des moments vécus deviendra, et avec plaisir, le leitmotiv de la pièce.

La critique se porte également sur les marionnettistes anthropologiques du monde : les politiciens et les médias. Chaque évènement, même le plus insignifiant, est extrapolé à son paroxysme et devient une catastrophe mondiale. Tout devient démesuré, dément, les êtres s’y perdent et se raccrochent alors à ce qu’on leur à montré, fait regarder par le prisme médiatique. L’œil est finalement abandonné au profit du téléphone ou de la lentille de l’appareil photo. Le regard n’a plus de sens s’il n’est pas soutenu par un écran. La distance devient obligatoire entre l’objet du regard et le regard même, comme si noyé dans les images l’œil n’avait plus d’autre choix que de s’isoler et de s’aplanir pour mieux observer et comprendre.

Cette critique du no filter dans les informations dont nous nous gavons se retrouve dans la forme même de la pièce : cette dernière oscille entre un Marvel théâtral et un blockbuster américain dont les codes font l’objet d’autodérision sanglante (certaines actions sont soulignées par du MickeyMousing – technique de musique de film qui appuie chaque évènement).

La pièce joue par ailleurs sur les limites techniques et physique du théâtre pour mieux en dégager les qualités : les espaces sont modulés par les comédiens eux-mêmes, qui jouent de cette transparence. Les effets spéciaux sont apportés par leur jeu et ceux des lumières. Tout est assumé et scandé afin de nous offrir des bijoux d’imaginations scénographiques simples.

Mille Milliards de Soleils c’est aussi une maxime morale qui nous rappelle une chose essentielle : il faut prendre le temps d’habiter notre monde et d’aimer nos vies avant de vouloir être « plus que », « mieux que », « plus grand que » car dans cette guerre climatique chaque chose, chaque être devient par sa seule présence une bombe à retardement. Arrêtons d’alimenter ce rêve absurde d’omniscience et d’omnipotence et au lieu de jouer à la guerre, jouons au Monde. Soyons moins que parfait ensemble.

 

 

 

Mille Milliards de Soleils, écrit et mis en scène par Elie Salleron

Avec Guillaume Dubois, Lucas Hénaff, Elie Salleron, Lisa Spurio, Agathe Robinet

Scénographie et costume Mégane Serva Dio

Lumières Franck Pellé

Musique Guillaume Dubois, Thomas Hardouin, Elie Salleron, Lisa Spurio

 

Du 6 au 10 novembre 2019

 

 

 

Théâtre de La Reine Blanche

2 bis Passage Ruelle

75018 Paris

 

Réservation 01 40 05 06 96

www.reineblanche.com

 

 

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