© Leontien Allemeersch
ƒƒ article de Denis Sanglard
Poète, slamer, performer, Louis Vanhaverbeke bricole sur le plateau un univers avec trois fois rien, objets qu’il recycle de façon étonnante. Un monde en perpétuelle mutation autant sonore que visuelle. Singulier univers au service d’une pensée prolixe, engagée, slamée sans discontinuer. Interrogeant l’enfermement et les limites imposées, les frontières, ce qui en principe protège ne finit-il pas par enfermer et de fait exclure ? Jouant des mises en abymes, enfermé en premier lieu dans un cube, clos de toute part, mais filmé et démultiplié par l’image, c’est tout le paradoxe de notre société qui tout simplement est pointé du doigt. L’intime jeté en pâture jusqu’à l’aliénation. Mais pas seulement. Louis Vanhaverbeke est un drôle de trublion qui jouant des contrastes met en évidence nos contradictions flagrantes. Les yeux grands ouverts sur ce monde ce qu’il voit et dénonce en chantant c’est le grand écart entre la normalité affichée et volontaire, éducation et contrat social comme autant de barrières, qui de fait rejette ce qui lui semble et désigne comme anormal, étranger. Or c’est bien tant de normalité qui perd l’humanité. Seul l’affranchi, libre, possède la vérité, même amère, affirme Louis Vanhaverbeke. As du bricolage rigolo qui n’est qu’un paravent pour un propos bien plus sérieux et violent qu’il n’y paraît, car au cœur de cette performance, son déclencheur, la « philosophie de base » de l’expert en sécurité Héras, un des principaux fabriquant de barrières et de clôtures au monde, pour qui la liberté et la sécurité sont intrinsèquement liées. Triste reflet de notre réalité et paradoxe que souligne et dénonce avec beaucoup d’humour mais aussi de tranchant notre performeur car cette liberté et cette sécurité ne peuvent exister qu’au détriment et à la restriction des libertés d’autrui. Symboliquement sur le plateau, autre boîte s’il en est, Louis Vanhaverbeke ne cesse de déconstruire, d’abattre les murs, de créer des lignes de fuites, de s’affranchir des frontières. Quelques caisses de plastiques, quelques tubes de métal suffisent pour bâtir et aussitôt débâtir un univers. Le cube est bientôt et promptement démonté, et c’est à vélo que notre performer s’échappera au final dans la ville, sortant comme un beau diable de cette boîte noire qu’est le théâtre, affirmant par ce geste malicieux que la performance s’affranchit, doit s’affranchir, elle aussi, des lieux mêmes de sa création qui de facto l’enferment. Ultime paradoxe certes mais d’une cohérence imparable où la métaphore cède enfin devant la volonté.
© Leontien Allemeersch
Mikado Remix conception et interprétation Louis Vanhaverbeke
Dramaturgie Dries Douibi
Vidéographie Freek Willems
Création sonore et lumières Bart Huybrechts
Régie technique Philippe Digneffe, Simon Den Abeele
21 juin à 19h et 22 juin à 18h
Nouveau théâtre de Montreuil
Salle Maria Casarès
63 rue Victor Hugo
93100 Montreuil
Réservation 01 55 82 08 01
www.rencontreschorégraphiques.com
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