À l'affiche, Critiques // May B, chorégraphie de Maguy Marin, à l’Espace Pierre Cardin / Théâtre de la ville Hors Les Murs

May B, chorégraphie de Maguy Marin, à l’Espace Pierre Cardin / Théâtre de la ville Hors Les Murs

Mar 01, 2019 | Commentaires fermés sur May B, chorégraphie de Maguy Marin, à l’Espace Pierre Cardin / Théâtre de la ville Hors Les Murs

© Hervé Deroo

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

May B ou le crépuscule d’une humanité en déroute. Maguy Marin, en 1981, signait cette chorégraphie, cette parade grotesque, pathétique carnaval, loin des corps triomphants qui hantait la danse contemporaine. Ils sont vieux, ils sont sales, ils éructent, ils rampent, ils ricanent, ils se masturbent, ils se chiffonnent pour une part de gâteau. Gestes usés d’être répétés, corps râpés par la vie. Petits pas qui frottent le plancher. Mémoire et vie en en lambeaux fouaillées à espérer une fin qui ne vient pas. L’impossible du vivre ensemble et l’impuissance à se quitter. Reste la fuite, impossible elle aussi. « (…) Fini, c’est fini,  ça va finir, ça va peut-être finir. (…) .» Cette réplique de Beckett (in « Fin de partie ») en préambule et conclusion pour viatique. D’ailleurs ils surgiront plus tard, Hamm, Clov, Lucky et Pozzo… ombres tutélaires de ce croupion d’humanité perclus de contradictions, entre apathie et agitation vaine, perdu sur un plateau nu et poussiéreux. De Beckett, Maguy Marin retient l’absurdité de notre condition, chorégraphie avec la même âpreté et le même dépouillement que son écriture, usant de la répétition et du bégaiement comme leitmotiv, métamorphose le corps qui devient signe, signifiant et signifié expressionnistes, burlesques de notre catastrophe. Des corps qui hurlent leur défaite et leur condition absurde. Clowns célestes, métaphysiques et tragiques comme le sont Vladimir et Estragon ou personnages muets et mus par un même coup de sifflet impératif, celui d’Acte sans parole I et II. Maguy Marin dissémine ainsi avec malice quelques indices. Ou veut-on, nous, les voir comme autant d’emprunts assumés. Un bibi, un personnage qui disparaît et Winnie frôle notre mémoire… Néanmoins et c’est un tour de force, ces figures prégnantes et clefs de voûte de cette création hallucinée n’embarrassent pas plus que ça Maguy Marin. En nommant sa source, elle s’en libère, nous en libère de même. Une fois énoncée, ce qui se joue sur le plateau dépasse très vite les références obligées. Pour cette ronde infernale, cette danse macabre et terriblement vivante c’est moins à Pina Bausch, qui serait ici sur le plan purement esthétique – mais non sur la forme –  son exact contraire, qu’à Kurt Joos que l’on pense. Pour son expressionnisme et sa théâtralisation affirmée. Importe moins ici la personnalité du danseur que la capacité à s’effacer sous l’argile qui le masque et s’écaille pour n’être que des figures, des personnages emblématiques, des archétypes monstrueux et grotesques d’une condition humaine désespérante et désespérée. May B brosse un tableau féroce  du monde comme il va, c’est-à-dire mal. Féroce mais non sans tendresse. Cette humanité blafarde, dépenaillée et déglinguée, c’est la nôtre. Ce n’est pas pour rien que depuis 38 ans cette pièce abrasive reste toujours aussi contemporaine et terriblement pertinente.

 

© Hervé Deroo

 

May B chorégraphie Maguy Marin

Lumières Alexandre Beneteaud

Costumes Louise Marin

Musique Franz Schubert, Gilles de Binche, Gavin Bryars

Avec Ulises Alvarez, Kais Chouibi, Laura Frigato, Françoise leick, Louise mariotte, Cathy Polo, Agnes Potié, Roland Rocha, Ennio Samarco, Marcello Sepulveda

 

Du 27 février au 12 mars 2019

27 février-11 mars 20h

12 mars 14h30

 

Espace Pierre Cardin

1 avenue Gabriel

75008 Paris

Réservations 01 42 74 22 77

www.theatredelaville-paris.com

 

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