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Mauvaise petite fille blonde, texte et mise en scène de Pierre Notte, au Théâtre de la flèche

Oct 08, 2021 | Commentaires fermés sur Mauvaise petite fille blonde, texte et mise en scène de Pierre Notte, au Théâtre de la flèche

 

© Marie Charbonnier

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Les enfants ont un grand sens de la justice, on le sait. Pour avoir contemplé les nuages, les jolis nuages en forme de zizi, elle shoote dans la coupelle d’une mendiante. Pas fait exprès, non. Oui, mais on l’accuse quand même. Et pour le coup, privée de chocolatine. A la maison, pas mieux. Le petit frère renverse ses carottes, ce petit frère qui fait tant de bruit quand il respire, tant que ça agace salement. On l’accuse derechef. Parfois alors,  elle a de drôle d’idée dans sa tête, piquer avec la fourchette son petit frère et voir mourir ses parents qui ne la consolent plus, se noyer dans la baignoire pour embêter Tatie, nounou d’un soir. La honte et la culpabilité rongent et métamorphosent la petite fille qui crie bientôt vengeance. Avec rage et beaucoup de détermination, fort méchante devenue, elle décide de dézinguer à tout va. Et même de sauver la France. Shooter dans les coupelles des mendiantes, des étrangères toutes, devient un jeu d’enfant. Semer le chaos et la terreur dans la cour de récréation, fastoche. Voilà, à trop écouter les adultes et leurs étranges idées, à n’y rien comprendre, ou de travers, à se faire gronder en toute injustice, la bête immonde en elle s’éveille…

Pierre Notte frappe fort, encore. C’est un conte, d’une acidité brûlante, d’une férocité jubilatoire, écrit comme toujours avec la précision maniaque d’un horloger. Le monde vu à hauteur d’enfant, une vision caustique et dramatique, reflet troublé de l’univers des adultes, de cette noirceur crasse parfois, de cette cruauté qui distille poison et terreurs enfantines. Cette petite fille, c’est notre mauvaise conscience larvée sous l’innocence flétrie d’injustice. Fin observateur de notre société qui se délite, moraliste malicieux, Pierre Notte, au sourire si fin, appuie là où ça fait mal, c’est ravageur et ça fait sacrement du bien.

En tutu rose brodé d’une tête de mort et Converses rouges au pied, torse nu, Antonio Interlandi est cette gosse qui interprète tout de travers et promet le chaos. Pourtant, rien de décalé à voir cet adulte être cette petite fille. Au contraire cela semble le plus naturel du monde. Sans singer l’enfance, la voix à peine perchée, rien que ce débit de mitraillette, ce rythme d’enfer propre aux gamins fébriles trop enthousiastes et qui veulent persuader, il est terrifiant de justesse. Terrifiant tout court même. Et bouleversant de fragilité. A peine s’il bouge sur ce plateau nu. Seuls les bras ébauchent d’élégantes arabesques. Parfois, gauchement, il danse, drôle de ballerine à vrai dire. De celle qui toupille maladroitement et mécaniquement dans les boîtes à musique pense-t-on et qui là, tout à coup, se ferait la malle. Et c’est avec tant d’innocence dans les yeux qu’il vous assène le pire, sans jamais forcer la note, qu’on serait presque à lui pardonner. Presque. Parce que sournoisement cette innocence-là vous glace et vous fiche une sacrée trouille. Et ce qu’elle révèle du monde, de ce qu’il augure, on reconnaît là le regard acéré de Pierre Notte, a de quoi faire frémir.

 

© Marie Charbonnier

 

 

Mauvaise petite fille blonde, texte et mise en scène de Pierre Notte

Avec Antonio Interlandi

Costume Alain Blanchot

Lumières Antonio de Carvalho

 

Tous les vendredis, du 8 octobre au 10 décembre 2021

 

Théâtre de la Flèche

77, rue de Charonne

75011 Paris

 

Réservations en ligne uniquement

www.theatrelafleche.fr

 

 

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