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Maurice Béjart (L’Oiseau de feu, Chant du compagnon errant, Boléro), musiques de Igor Stravinsky, Gustav Mahler, Maurice Ravel, Opéra National de Paris (Bastille)

Mai 22, 2023 | Commentaires fermés sur Maurice Béjart (L’Oiseau de feu, Chant du compagnon errant, Boléro), musiques de Igor Stravinsky, Gustav Mahler, Maurice Ravel, Opéra National de Paris (Bastille)

  

 © Julien Benhamou

 

ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia

 Maurice Béjart venait souvent rendre visite depuis Bruxelles, puis Lausanne, au ballet de l’Opéra de Paris auquel il offrit 9 créations et 14 entrées au répertoire. Parmi elles, trois pièces courtes appartenant à une décennie de création (1961-1971) ont été choisies pour cette saison 2022-2023, auxquelles une ou deux pièces supplémentaires auraient pu s’ajouter tant la durée totale de la soirée s’avère tout de même un peu courte si l’on met de côté les deux entractes aussi longs que les deux premières pièces.

L’Oiseau de feu, Le Chant du compagnon errant et le Boléro sont proposés avec des distributions différentes chaque soir de représentation, certains solistes assurant différents rôles titres durant la période de programmation de cette proposition sobrement intitulée Maurice Béjart et dont une retransmission télévisée en direct aura lieu le 25 mai.

La soirée commence par le dernier morceau du tryptique que Béjart avait conçu à partir de la musique de Stravinsky, commencé avec Le Sacre du printemps, puis les Noces. L’Oiseau de feu créé en 1970 avec Michael Denard (l’Oiseau) et Jean-Pierre Franchetti (le Phénix) était le soir de notre venue interprété par Florent Melac et Grégory Dominiak et 9 excellents danseurs composant le groupe des partisans (en costumes gris-bleu), lequel débute la pièce en plan resserré par des pliés avec torsions de genoux avant que n’apparaisse l’oiseau dans sa combinaison rouge vif laissant apparaître partiellement le torse du danseur. Il s’agit d’un rôle difficile tant sur le plan technique que du jeu. Sauts, tours en attitude et grands jetés doivent s’enchaîner avec grâce (à l’origine l’oiseau est une femme), ce qui ne signifie pas un excès de préciosité.

 A la différence du premier ballet, il n’y a peu d’effet de lumières dans Le Chant du compagnon errant, créé en 1971 par Noureev et Paolo Bortoluzzi. La seule particularité est qu’il s’agit d’un ballet monté sur des lieder composés par Gustav Mahler, dont l’exécution par le baryton Thomas Tatzl ne nous a pas totalement convaincue (surtout dans l’attaque du premier lied). Les deux danseurs apparaissent sous une douche de lumière dans des collants et justaucorps très sobres, l’un bleu, l’autre bordeaux. La chorégraphie dans laquelle excellent Guillaume Diop et Marc Moreau, est également très épurée. Il faut une présence scénique de très grande qualité pour occuper les regards sur cet immense plateau vide et elle ne fait aucun doute pour les deux très jeunes étoiles, qui montrent en outre entre eux une belle complicité, tellement essentielle dans ce duo qui n’est autre que les deux faces d’un même personnage. L’extrême fragilité intérieure du Compagnon est idéalement exprimée par la sensibilité à fleur de peau de Guillaume Diop, léger dans toutes les difficultés techniques et d’une fluidité sans pareil dans tous les passages qui le requièrent, le mouvement ne s’arrêtant jamais, la dernière phalange de chaque doigt terminant chaque mouvement jusque dans la dernière micro seconde possible. Marc Moreau est également remarquable dans une plus grande sobriété émotive qui tient au côté plus sombre de son rôle. Nous avons hâte de les revoir reprendre ces rôles, voire même ce duo dans une décennie ou plus, une fois que la vie aura nourri l’inévitable errance intérieure.

 

© Julien Benhamou

Et puis vint la master piece tant attendue. 16 minutes d’une transe musicale au crescendo si connu et pourtant toujours aussi hypnotisant écoute après écoute. Il y a encore plus que dans les autres ballets de Béjart, deux types de spectateurs pour le Boléro. Ceux qui ont la chance, et quel que soit leur âge, de ne l’avoir jamais vu et donc de vivre une première fois très intense (assurée par l’excellence du choix des solistes, femmes et hommes, dans cette programmation 2023 de l’Opéra de Paris), et ceux qui ont la chance de l’avoir déjà vu, une ou plusieurs fois, avec un ou différents danseurs ou danseuses et qui sont dans une grande fébrilité à chaque nouvelle représentation, dans une attente toute barthésienne. Le risque est évidemment d’être déçu ou de rester sur sa première fois, ce qui pour autant n’empêche pas d’aimer cette énième. J’appartiens à cette catégorie. Avoir vu le Boléro dansé par Jorge Donn dans les années 80 est une expérience inoubliable et difficilement dépassable, avoir apprécié ensuite les versions de Sylvie Guillem et de Nicolas Leriche, s’être nourrie aussi des captations vidéo de la création d’origine avec Duska Sifnios, et de celle de Maïa Plissetskaïa laisse des traces. La nouvelle génération d’étoiles s’est évidemment nourrie de toutes ces interprétations. Germain Louvet a lui aussi réalisé son rêve avec panache et qualité technique. Bien sûr, il ne s’agit pas d’une œuvre qui requiert en tant que telle de la prouesse technique, laquelle peut néanmoins sublimer l’ensemble, dans les sauts en attitudes croisées, ou les grands battements face, cheville saisie des deux mains (l’indépassable Sylvie Guillem y excellait). Mais c’est surtout la sensualité (maîtrisée) dans cette œuvre qui doit dominer. Le Boléro doit être dansé corps et âme ou ne doit pas être dansé ; jusqu’à l’épuisement, qui est comme un don de soi.

 

© Yonathan Kellerman

 

 

Maurice Béjart

Chorégraphie : Maurice Béjart

Direction musicale : Patrick Lange

 

Vu le 18 mai 2023 avec les distributions suivantes :

 

L’Oiseau de feu

Musique : Igor Stravinsky

Avec : Florent Melac, Grégory Dominiak

Durée : 25 minutes

 

Le Chant du compagnon errant

Musique : Gustav Mahler

Baryton : Thomas Tatzl

Avec : Guillaume Diop, Marc Moreau

Durée : 20 minutes

 

Boléro

Musique : Maurice Ravel

Avec : Germain Louvet

Durée : 16 minutes

 

Et les Étoiles, les Premières Danseuses, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet de l’Opéra Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris

 

Durée 1h45 (dont 2 entractes)

 

Opéra national de Paris (Bastille)

Place de la Bastille,

75012 Paris

 

Jusqu’au 28 mai 2023, à 20h00

Retransmis en direct sur Culturebox le 25 mai 2023

 

www.operadeparis.fr

 

 

 

 

 

 

 

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