Lecture de Bruno Deslot –
Un mariage idéal !
Mariée depuis huit ans à Torvald Helmer, un avocat avec lequel elle a eu trois enfants, Nora, dépendante de son époux, est esclave de sa condition de femme mariée.
Obéissante, Nora, « le petit écureuil » comme la surnomme Helmer, obéit aux directives de son mari auquel elle est dévouée comme il se doit. Un rapport inégal correspondant à l’image que propose une société qui véhicule des principes de vie familiale éculés, pour nos contemporains, mais qui s’affirment en toute légitimité pour l’époque. Afin d’assurer sa guérison, Helmer doit effectuer un voyage en Italie et pour lequel Nora contracte une dette sans en faire part à son époux. Peu de temps après ce voyage, Helmer apprend l’existence de cette dette et pour sauver sa réputation, invoque l’amour qui a conduit son épouse à agir ainsi en recourant à «un prétexte stupide». Le pardon étant accordé, l’affaire se poursuit et encourage Nora à quitter le foyer conjugal pour mieux comprendre le monde qui l’entoure, trouver ses réponses aux grandes questions de la vie. La jolie poupée se résigne et emprunte les chemins qui la mèneront vers une autre vie.
Le droit à la liberté de s’épanouir
Par la grâce d’Henrik Ibsen (1828-1906), Nora Helmer fait son apparition en 1879 et revendique, pour une femme, le droit à la liberté de s’épanouir en un être adulte, indépendant et responsable. Connu hors des pays nordiques avec « Les soutiens de la société », l’auteur est porté à l’avant-garde du théâtre européen avec « Une maison de poupée ». L’intrigue de cette pièce, qu’Ibsen reprend dans de nombreuses œuvres, traite « du réalisme critique » : l’individu s’opposant au plus grand nombre et à l’étouffante autorité de la société. Nora l’exprime très justement par cette réplique : « Il me faut découvrir qui a raison, de la société ou de moi ». Certes, les projets de Nora sont vagues, mais nombreuses sont les femmes qui se sont identifiées à elle dans leur combat pour la libération et l’égalité de la femme. En cela, elle est probablement la plus « internationale » des personnages d’Ibsen. Eloi Recoing réalise une traduction de l’œuvre d’Ibsen en se situant au plus proche du texte et en s’émancipant de son hors champ, traditionnellement inscrit dans un courant naturaliste. Du rythme et une concordance lexicale remarquable, permettent au traducteur de jouer la carte de la simplicité et du laconisme propre à la rhétorique d’Ibsen. Une traduction sensible et fidèle à l’esprit d’une œuvre que l’on redécouvre avec toujours autant de plaisir.
Représenté du 14 novembre 2009 au 16 janvier 2010 au Théâtre de la Colline dans une mise en scène de Stéphane Braunschweig, le spectacle sera repris les 6 et 7 février 2010 au Théâtre National de Bretagne-Rennes.
Maison de Poupée
D’Henrik Ibsen
Traduction Eloi RecoingActes Sud
18 rue Séguier, 75006 Paris
www.actes-sud.fr
Voir aussi :
La pièce Maison de Poupée mise en scène par Michel Fau au Théâtre de la Madeleine
La pièce Maison de Poupée mise en scène par Jean-Louis Martinelli au Théâtre Nanterre Amandiers
La pièce Maison de Poupée mise en scène par Nils Ölhund au Théâtre de l’Athénée