À l'affiche, Agenda, Critiques, Evènements // Ma mère n’est pas un ange (mais je n’ai pas trouvé mieux), écrit et mis en scène par Emili Hufnagel, avec la complicité de Michel Laubu, Théâtre National Populaire, Villeurbanne

Ma mère n’est pas un ange (mais je n’ai pas trouvé mieux), écrit et mis en scène par Emili Hufnagel, avec la complicité de Michel Laubu, Théâtre National Populaire, Villeurbanne

Nov 13, 2024 | Commentaires fermés sur Ma mère n’est pas un ange (mais je n’ai pas trouvé mieux), écrit et mis en scène par Emili Hufnagel, avec la complicité de Michel Laubu, Théâtre National Populaire, Villeurbanne

 

© Raphaël Licandro

 

ƒ article de Paul Vermersch

Le plaisir d’assister à cette représentation, c’est d’abord celui de s’asseoir dans la salle avant même que le spectacle ait commencé : une immense cabine de phare réaménagée prend presque tout le plateau, presque car elle est entourée de monticules d’objets bizarres, des lampes, des meubles divers, de la récup’, le tout surmonté par de hauts lampadaires qui éclairent le plateau d’une lumière artificielle déjà hypnotique. C’est dans cette atmosphère qu’on glisse doucement dans la fable, une figure de personne âgée un peu loufoque apparaît au plateau et évolue dans sa maison. Elle rentre chez elle, pose son manteau, s’assied. Une partition bien quotidienne mais qui prend un aspect tout à fait étonnant en ce que l’interprète porte un énorme masque qui affiche une mine éternellement réjouie. Muet, le masque déploie donc une physicalité toute particulière : les gestes sont amplifiés, stylisés, et chaque mouvement gagne alors une gravité épatante et l’on se met à dévorer des yeux le moindre déplacement. Accompagnée par trois « voisins » masqués eux-aussi, qui entourent la maison avec leurs instruments de musique et ponctuent la chorégraphie centrale de moments de musique live, cette vieille femme nous laisse entrer dans une intimité étrange et assez éloignée des représentations classiques de la vieillesse. On la voit déchirer les lettres de sa fille qui l’invite à passer son anniversaire chez elle, ranger et nettoyer des armes, qu’elle utilise d’ailleurs volontiers pour chasser les rats, puisqu’à peu près à mi-parcours, c’est autour de ces figures de rongeurs que s’articule le récit. Incarnés par des marionnettes, manipulées avec une grande dextérité, ces rats s’introduisent chez la vieille femme, la rendent folle, et puis finalement sympathisent avec elle jusqu’à lui offrir une sorte d’œuf, qui contient une autre marionnette, de petite fille cette fois-ci, avec laquelle la pièce se termine par un moment d’épiphanie. Figure d’une fille retrouvée, d’une nouvelle amie ou amante, le dernier tableau ne tranche pas, et c’est finalement ce qu’on pourrait reprocher à cette forme.

S’il faut souligner l’ingéniosité de l’arsenal d’effets qui est déployé autour de la pratique du masque, de la musique, et des correspondances entre les deux, on sent beaucoup les efforts de la mise en scène à construire cet univers dans lequel finalement on perd un peu pied. Ce qui advient au plateau a l’air motivé, mais on ne sait pas très bien de quoi : les rats s’introduisent chez cette femme d’abord sous la forme de marionnettes, puis sont pris en charge pas les musiciens masqués, mais la raison de leur effraction n’est pas claire. Est-ce qu’il dépossède la vieille dame de ce qu’elle a ? Si oui pourquoi nettoient-ils ? Nettoient-ils derrière eux pour ne pas laisser de trace ? Et pourquoi cette vieille dame finit-elle par sympathiser avec l’un d’eux ? On voit très bien la structure de la dramaturgie, les différentes étapes par lesquelles le récit passe, mais difficile de comprendre ce qui motive les glissements d’une situation à l’autre. Finalement on a l’impression que le cœur du travail est la pratique même du masque, de la marionnette. La confection de tableaux, où la manipulation des objets est au centre, se décline dans toutes sortes de propositions ingénieuses et excitantes, mais dont on peine à tirer un sens franc, qui permettrait de dépasser un système qui s’autoalimente par les images qu’il produit, sans venir ne plus rien raconter d’autre que ça.

 

© Raphaël Licandro

 

Ma mère n’est pas un ange (mais je n’ai pas trouvé mieux), d’Emili Hufnagel

avec Charly Frénéa, Audric Fumet, Simon Giroud, Patrick Murys

Lumière : Pascal Noël

Musique : Pierrick Bacher (composition) et Frédéric Jouhannet (adaptation)

Costumes : Emili Hufnagel avec Audrey Vermont

Construction masques, marionnettes et accessoires : Michel Laubu avec Géraldine Bonneton, Marlena Borkowska, Charly Frénéa, Paquita Guy, Yves Perey, Audrey Vermont

 

Du 8 au 16 novembre 2024

Durée : 1h10

 

Théâtre National Populaire

8 place Lazare-Goujon
69627 Villeurbanne

www.tnp-villeurbanne.com

 

Be Sociable, Share!

comment closed