À l'affiche, Critiques // Ma Mère m’a fait les poussières, d’après Psaumes Balbutiés d’Erwin Mortier, mise en scène de Philippe Awat et Guillaume Barbot, au Théâtre de Belleville

Ma Mère m’a fait les poussières, d’après Psaumes Balbutiés d’Erwin Mortier, mise en scène de Philippe Awat et Guillaume Barbot, au Théâtre de Belleville

Jan 27, 2017 | Commentaires fermés sur Ma Mère m’a fait les poussières, d’après Psaumes Balbutiés d’Erwin Mortier, mise en scène de Philippe Awat et Guillaume Barbot, au Théâtre de Belleville

ƒƒ Article de Victoria Fourel

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© DR

C’est sa mère, ça ? Cette enfant dépendante et lunatique aux troublants instants de lucidité, qui semble disparaître pas à pas dans le vide ? Il faut croire. C’est à n’y rien comprendre, et pourtant, il faut se rendre à l’évidence : la maladie a déjà commencé son travail, et dans ce spectacle en forme de journal intime, on met des mots sur ce travail de sape qu’Alzheimer opère sur l’esprit, et sur la vie.

On peut rapidement dire sans mentir que ce spectacle est aussi spontané que la maladie est inattendue. Comme souvent dans l’espace de jeu de Belleville, on va dessiner un monde à partir de toutes petites choses. Quelques lampes et quelques vinyles, pour accrocher au plateau des souvenirs d’une époque désuète perdue, et un tapis de poussière, qui servira à écrire, dessiner, se salir. Comme la poussière qui s’installe dans l’esprit de Maman. Dans ce canevas vont et viennent les deux comédiens, dans une construction intéressante. Philippe, le fils, celui qui devra supporter et tâcher d’aller bien, nous raconte, cherche, ajoute, trébuche sur les mots, dans un jeu hyper naturaliste qui paraît d’abord un peu appuyé ou maniéré, mais qui accroche immédiatement le spectateur. Pascale, elle, sera le père, le médecin, l’entourage, l’amie, la sœur, le décor. Dans une écoute parfaite, elle semble donner la vie à tout ce que le fils raconte de la maladie, sans jamais à proprement parler incarner la mère. Et avec pudeur, elle sert de partenaire, d’écran, de réceptacle pour les questions. C’est très humain, sensé et bien joué. L’écueil du trop ordinaire est présent, celui des faux balbutiements aussi, mais on les évite grâce à une écriture toute en finesse, qui parvient à être très poétique sans être bêtement sentimentale, et une construction en patchwork éclectique mais claire.

Et ce patchwork, c’est celui des sentiments. On rit beaucoup, quand on s’occupe d’une malade. Elle tombe, elle répond à côté des questions, elle se répète. Et en face, on doit gérer à la fois la douleur, l’envie de rire, la saleté, le regard des gens, la culpabilité. Et les répétitions, dix fois, cent fois, des mêmes scènes, chose que le spectacle arrive sans lourdeur à mettre en valeur. C’est un sujet souvent exploité, et que bien sûr, on a envie de voir réinventé, encore. Difficile de ne pas faire de redites. Mais on suit sans ennui la frêle silhouette d’une mère qui disparaît, la solidité d’un homme adulte qui se fissure, le regard impuissant des proches. Jouer avec la poussière sur le plateau pour l’empêcher de se déposer sur les souvenirs.

Ma mère m’a fait les poussières
Texte Philippe Awat d’après Erwin Mortier
Mise en scène Philippe Awat et Guillaume Barbot

Avec Philippe Awat et Pascale Oudot

Du 17 janvier au 28 février
Du 17 janvier au 5 février : mardi à 19h, dimanche à 20h30, et du 6 au 28 février : lundi et mardi à 19h, dimanche à 20h30.

Théâtre de Belleville
94 rue du Faubourg du Temple
Métro Belleville ou Goncourt
Réservation 01 48 06 72 34
www.theatredebelleville.com

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