À l'affiche, Critiques // Love me tender, d’après des nouvelles de Raymond Carver, mise en scène Guillaume Vincent, Théâtre des Bouffes du Nord, Paris

Love me tender, d’après des nouvelles de Raymond Carver, mise en scène Guillaume Vincent, Théâtre des Bouffes du Nord, Paris

Sep 18, 2018 | Commentaires fermés sur Love me tender, d’après des nouvelles de Raymond Carver, mise en scène Guillaume Vincent, Théâtre des Bouffes du Nord, Paris

© Elizabeth Carecchio

Love me tender. Les spectateurs entrent dans la salle, peu à peu, bavards, et sur scène un joyeux bordel, façon années 1970-1980, vous voyez… Et un homme seul, l’air pas aimable, qui ne bouge pas, attend. Enfin le noir, ça commence. Le plaisir, la joie, la drague et les éclats de rire. Quatre personnages cour, quatre côté jardin, deux couples d’un côté, deux de l’autres, et les histoires qui s’élancent, séparées par un petit espace, par rien en fait. Des éclats de rires, blagues idiotes qui fonctionnent encore (je l’avoue), la fête, éclosion de pétards, cigarettes, alcool. Sexe qui aimerait montrer le bout de son nez. Du faux très très sérieux, et de plus en plus rapide. Jusqu’à l’explosion. Des couples banals, comme dans toutes les nouvelles de Raymond Carver, dont se sert merveilleusement ici Guillaume Vincent pour cette mise en scène époustouflante.

Donc d’un côté blagues pleines de bière au haschich et jolies fesses, un humour qui peu à peu va dégringoler, trouver un silence ici ou là, pas forcément positif. L’autre hémisphère est plus posé pourrait-on croire un très court instant. La courtoisie de deux jeunes les pousse à se rendre chez ceux qui les ont logé pendant un an. Ça commence bien, ça fini mal. L’Enfer bave et nous fait rire, d’un côté comme de l’autre.

On est un peu surpris, n’attendant pas de telles ambiances, de telles euphories lentes ou mystérieuses, s’étouffant à un moment donné. Love me tender nous surprend, nous emporte et nous ligote. Tout est là, et l’on se met à aimer l’ameublement immonde qui nous rappelle beaucoup de choses.

Et hop ! Les couples ne sont plus les mêmes. Un faux entracte, le décor à changé sous nos yeux, avec l’aide des comédiens, deux lits symétriques arrivent, une grande pièce apparaît tout au fond, à moins que nous ne l’ayons pas remarqué. Le reste subsiste et attend l’orage, la demie-guerre, sous le tabac, l’alcool toujours, la jalousie ou le désintérêt. Les assiettes sont lancées à la figure, des étranglements rôdent sous la pluie des doutes. L’ennui tente de se dissimuler sous une espèce boiteuse d’amour fichu. On tombe amoureux de n’importe qui, pour faire comme si, pour tenter de se sauver. Tout explose, même en silence, même en plein sommeil.

Les sept nouvelles de Carver qui ont inspirées ce glorieux montage donnent envie d’être lues, pour mieux savoir ce que Guillaume Vincent en a tiré, d’où viennent ces élans qui finissent droit dans le mur. Douleur, perte, éloignement au chewing-gum, les lits vides ou devenant de terribles rings, tout est là, remue, dresse peu à peu des miroirs vers la salle, incognito, mais l’on rit toujours, moins fort pour essayer de faire croire que l’on ne connait rien de ces histoires, ou au contraire « maintenant » on en rit, bien obligés de retrouver très facilement du Love me tender sur nos paliers, chez nous, un peu partout.. Pas un instant où l’on souffle, un spectacle somptueux sur des histoires banales, le talent est partout et l’on quitte la salle très heureux d’être célibataire.

 

© Elizabeth Carecchio

 

Love me tender, d’après des nouvelles de Raymond Carver

Adaptation et mise en scène  Guillaume Vincent
Dramaturgie  Marion Stoufflet
Scénographie  James Brandily
Lumières  Niko Joubert
Costumes  Lucie Ben Bâta

Avec  Emilie Incerti Formentini, Victoire Goupil, Florence Janas, Cyril Metzger, Alexandre Michel, Philippe Smith, Kyoko Takenaka et Charles-Henri Wolff
Et en alternance  Gaëtan Amiel, Lucas Ponton et Simon Susset

Et avec la voix de Maud Le Grevellec

 

Adapté des nouvelles :

Tais-toi je t’en prie ;

Pourquoi l’Alaska ;

La peau du personnage ; 

Personne ne disait rien  (du recueil Tais-toi je t’en prie) ;

Appelle si tu as besoin  (du recueil Qu’est-ce que vous voulez voir) ;

Débranchés (du recueil Les trois roses jaunes)

 

 

Du 14 septembre au 5 octobre 2018 à 20h30 (et les samedis 22 et 29 septembre, réprésentation supplémentaire à 15h30)

Durée 1h30 environ

 

Théâtre des Bouffes du Nord

37 bis, boulevard de La Chapelle

75010 Paris

T+01 46 07 34 50

location@bouffesdunord.com

www.bouffesdunord.com

 

 

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