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« Los Pájaros Muertos », de Marcos Morau, à la Briqueterie

Mar 06, 2015 | Commentaires fermés sur « Los Pájaros Muertos », de Marcos Morau, à la Briqueterie

ƒƒ article de Florent Mirandole

pajaros-2© Tristán Pérez

Dans un décor de nuit, une petite troupe défile des bougies à la main. À la lueur de ces flammes vacillantes, ces hommes et ces femmes avancent lentement, seules quelques taches rouge et or percent l’obscurité du tableau. Progressivement la procession entoure une vieille voiture, dont on extrait lentement un cercueil sur lequel repose un drapeau espagnol. Nous ne savons pas exactement où nous sommes, mais la puissance des images créées par le chorégraphe espagnol Marcos Morau saisit rapidement le spectateur. Construite comme une fresque du XXème siècle vu à travers les yeux de Pablo Picasso, « Los Pájaros Muertos » est d’abord une œuvre visuelle spectaculaire.

C’est en se saisissant des signes distinctifs de l’Espagne paysanne, inscrits dans l’ADN de l’art espagnol grâce aux peintres de « l’Espagne noire », que le chorégraphe réussit à installer cette atmosphère si singulière. Costumes noirs pour les hommes, mantilles et peinetas pour les femmes, nous sommes dès les premières minutes au cœur de l’Espagne dans laquelle a vécu Pablo Picasso. Éclate alors la guerre entre franquistes et révolutionnaires. La mise en scène est tout aussi efficace pour témoigner de ce conflit qui déchira l’Espagne. À plusieurs reprises la ferveur de la troupe scandant les noms des plus grands artistes du XXème est matée par les tirs des pelotons d’exécution des nervis franquistes.

Cette mise en scène deviendrait vite terrifiante si nous n’étions pas chez Marcos Morau. Chorégraphe touche à tout, Carlos Morau prend soin de mêler les genres et les tonalités. Ses compositions aussi soignées que des photographies mettent en scène des personnages aussi tragiques que loufoques. Ainsi au milieu des clairs obscurs façon Goya, un couple à moto, nu, drapeau français en main, n’hésite pas à entonner une marseillaise tonitruante, accompagné par un orchestre où les tambours et les cuivres rivalisent de puissance. Surtout, Marcos Morau n’hésite pas à introduire le rire dans les interstices de cette histoire tragique. C’est le cas par exemple de cette danseuse, touchée au cou par un tir, et dont l’agonie tragique se révèle burlesque au final.

La force de « Los Pájaros Muertos » nait aussi des nombreux solos et duos créés avec la troupe de circassiens invitée pour l’occasion par le chorégraphe. Les étudiants de l’École nationale de arts du cirque de Rosny-Sous-Bois portent avec aisance le poids de l’histoire que Marcos Morau leur a confié. Si les scènes collectives sont particulièrement esthétiques et souvent amusantes, les passages individuels où domine manifestement l’improvisation sont simplement exceptionnels. Les jeunes danseurs traduisent magnifiquement cette époque meurtrière et sanglante par leurs contorsions nerveuses et leurs membres cassés à l’image de pantins désarticulés. La grâce cède la place à l’accident, à l’imprévu. En donnant les clefs de la chorégraphie à ces danseurs, Marcos Morau a dépassé la simple fresque, pour arriver à créer un témoignage.

Los Párajos Muertos
Marcos Morau
Cie La Veronal
Chorégraphie Marcos Morau
Interprètes Cristina Facco, Laia Duran, Diana Huertas, Anna Hierro, Lorena Nogal, Cristina Goni, Marina Rodriguez, Inma Asensio,
Sau Ching Wong, Manuel Rodrigue
Dramaturgie Tanya Byeler, Pablo Gisbert
Assistant chorégraphie Inma Asensio
Eclairage et scénographie Enric Planas
Musique Ravel, Bolero , Ampparito Roca, Suspiros de espana, El Gato Montès
Avec la participation d’étudiants de l’Ecole Nationale des Arts du cirque de Rosny-sous-Bois et des musiciens de l’Orchestre d’Harmonie La Lyre de Fontenay-sous-Bois
Production Juan Manuel Gil
Coproduction Ville de Fontenay-sous-Bois

La Briqueterie
17 rue Robert Degert
94407 Vitry-sur-Seine cedex
Réservation 01 46 58 24 29
www.alabriqueterie.com

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