À l'affiche, Critiques // Lorenzaccio, d’Alfred de Musset, mise en scène Catherine Marnas au Théâtre de l’Aquarium

Lorenzaccio, d’Alfred de Musset, mise en scène Catherine Marnas au Théâtre de l’Aquarium

Sep 28, 2017 | Commentaires fermés sur Lorenzaccio, d’Alfred de Musset, mise en scène Catherine Marnas au Théâtre de l’Aquarium

© Patrick Berger

Article de Victoria Fourel

A Florence, Alexandre règne en despote sur une cour assujettie à ses désirs et à ses perversions. Lorenzo, son ami et compagnon de débauche prend sur lui de l’éliminer et de rendre sa liberté à la ville. Jeux de pouvoir et de séduction, Lorenzaccio est une œuvre majeure du théâtre romantique, porté par un héros qui ne laissera rien ni personne intact derrière lui.

Et au plateau, rien ne le sera non plus. En tout point et en tout lieu de la scène, les idées fusent. Mime et air guitare, entrées multiples, fond factice laissant deviner une arrière-scène mystérieuse, personnages de débauche fantasmagoriques, confettis, micros, musique électro… On ne peut que noter l’exploration de tous les procédés scéniques modernes. Chaque passage est prétexte à un choix fort, à une audace, à un anachronisme, à une démonstration. Mais aussi à une certaine forme de trop plein. Nombreux sont les exemples dans le spectacle, d’idées de mise en scène qui sont surtout des appuis, des écrans de fumée, trop peu exploités, pas assez développés. Trop tapageurs, ils restent à l’état de déballage de mise en scène. Pourquoi Philippe parle-t-il dans un micro lorsqu’il entraîne les siens dans son désir de vengeance, donnant l’image d’un harangueur de foule, alors qu’il dit lui-même ne poursuivre aucun but politique ? Pourquoi le Duc descend-il du public en fin de spectacle, alors qu’aucun usage n’est fait de cette descente, et qu’elle ne dure que quelques secondes ? Il semble que cette mise en scène, riche en idées, fait l’inventaire de tout ce qui se fait, de tout ce qui est possible. On peut utiliser le public comme lieu de jeu, faisons-le, même si l’utilité n’en est pas évidente. Et ça, ça empêche l’imaginaire d’investir et de remplir les lieux.

Et ce manque de vide et de silence existe aussi dans la direction d’acteur. La volonté de resserrer le texte resserre aussi les temps de jeu, qui permettent pourtant de faire résonner le texte, de nous le faire entendre, et même parfois tout simplement de nous le faire comprendre. Si Jules Sagot parvient à ramener le personnage de Lorenzo à lui, et à jouer avec talent les deux versants de son héros, il y a une constance dans le premier degré. Certains personnages ne sortent pas de la caricature, et de ce rythme effréné, qui donnent l’impression notamment dans la dernière partie du spectacle que tout est dit en accéléré. Dans certaines scènes, certains personnages, sont savoureux et surprenants, mais d’autres, au contraire, sont traitées avec trop de légèreté, trop d’effets. Pour symboliser sa fougue de jeune homme avide de vengeance, Pierre courra. Partout, tout le temps, tout le long de la pièce, il courra. On finit par ne plus voir que cela, et par perdre tout lien avec lui.

Ce spectacle est déroutant car il laisse une impression réellement contradictoire. Il y a une grande énergie, une densité, et de belles présences. Il y a, bien sûr, du rock’n’roll et des confettis, il y a un cœur qui bat. Mais ce cœur s’emballe malheureusement et ne semble plus savoir pourquoi il se fatigue tant. On ressort de là convaincu du travail derrière cette relecture, mais un peu las de voir autant de procédés et de bruit pour faire parvenir si peu.

 

Lorenzaccio, d’Alfred de Musset

Mise en scène Catherine Marnas
Avec Clémentine Couic, Julien Duval, Zoé Gauchet, Francis Leplay, Frank Manzoni, Jules Sagot, Yacine Sif El Islam et Bénédicte Simon

Du 26 septembre au 15 octobre 2017
Du mardi au samedi à 20h et le dimanche à 16h

 

Théâtre de l’Aquarium
La Cartoucherie
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris

Métro Château de Vincennes et navette gratuite
Réservation 01 43 74 72 74

www.theatredelaquarium.com

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