© Les Anges au Plafond

ƒƒƒ article de Hoël Le Corre

Nous aurons donc traversé le périphérique jusqu’à Châtillon… Nous ne le faisons sans doute que trop rarement, malheureusement. Mais quand il s’agit de répondre à l’appel des Anges au Plafond, la motivation est grande, et quitte à se dévoiler dès le début : nous avons été récompensés de cette folle aventure « au-delà du périph’ » par cet Oiseau de Prométhée, un spectacle esthétiquement parfait et qui aura su nous émouvoir tout en nous invitant à réfléchir.

Pour qui est familier de la compagnie fondée par Camille Trouvé et Brice Berhoud, on reconnaîtra d’emblée la particularité de proposer au public de prendre place à différents endroits de la salle et de la scène : si la plupart des spectateurs se retrouvent dans les sièges habituels, certains sont invités à s’assoir directement sur scène, à la table d’une taverne, ou dans des gradins disposés également à même la scène au plus près des comédiens, pour une expérience plus sensorielle du spectacle.

Voilà donc le public partagé en trois, tout comme les récits de la pièce qui seront divisés en trois histoires, prenant racines dans trois temporalités différentes, mais se déroulant toutes les trois en Grèce… Trois brins du temps tressés, pour dénoncer en écho l’injustice face aux partages des richesses. Vautour articulé aussi effrayant qu’amusant, l’oiseau de Prométhée, sera notre guide dans cet enchâssement de récits.

D’un côté donc, retour aux mythes grecs, avec le dernier banquet entre les hommes et les Dieux, lors duquel Prométhée trompera ces derniers : par pitié pour les hommes sans défense, il leur donnera la meilleure part du bœuf sacré, avant de leur offrir également le feu. Un autre brin du temps aura lieu en 2008, au plus tendu de la « crise grecque », à la table des négociations entre le gouvernement grec, le FMI et l’Union Européenne. Enfin, la troisième histoire, qui se déroule en 2023, prendra un aspect plus personnel, entre quatre amis qui ne s’étaient pas revus depuis 15 ans après s’être rencontré justement au cœur de cette crise.

Dans les trois histoires, et c’est la force de cette fable à trois têtes, il est question de trahison, d’humiliation, de négociation et de la nécessité de partager les richesses, symbolisées ici par la nourriture. La résonnance entre l’histoire mythologiques et le rappel glaçant des faits et des chiffres de 2008 est frappante et vient réveiller autant qu’ébranler notre conscience de citoyens. L’empathie suscitée par ce groupe d’amis séparés par des non-dits, des reproches et des ressentiments fait appel à notre tolérance, notre besoin d’amour et à la nécessité de pardonner.

L’Oiseau de Prométhée déploie ainsi une fable politique transdisciplinaire et riche, où les émotions tourbillonnent : on se prend à s’amuser franchement devant les figures politique d’Angela Merkel, Christine Lagarde et Aléxis Tsípras, illustrés par des bustes de marionnettes aux comportements puérils et dérisoires face à la gravité de la situation, sans parler de l’humour apporté par les Parques, manipulées parfaitement par Christelle Ferreira. On est impressionnés par la beauté, la majesté et l’ingéniosité des grandes marionnettes représentant Prométhée, Zeus et Dionysos. Et on s’émeut de la générosité et de la sincérité des quatre comédiens.

Enfin, comme une épée de Damoclès au-dessus de notre tête, le funambulise sera là pour nous rappeler que ces situations sont fragiles, jamais acquises ; ce qui n’est pas sans faire écho au discours actuel sur « la fin de l’insouciance » et la nécessité d’une « austérité face à la dette ». Cela pourrait être déprimant, si nous n’avions au moins, comme le prône les Anges au Plafond, nos petites vies intimes d’humains pour cultiver le partage et la solidarité.

© Vincent Muteau

L’Oiseau de Prométhée, écrit par Chrístos Chryssópoulos avec Camille Trouvé et Brice Berthoud 

Mise en scène : Camille Trouvé et Brice Berthoud

Autour de la table : Rhiannon Morgan, Victoire Goupil, Souleymane Sylla, Achille Sauloup

Marionnettiste : Christelle Ferreira

Sur le fil : Olivier Roustan

Complicité artistique et poétique : Jonas Coutancier

Traduction : Anne-Laure Brisac

Dramaturgie : Saskia Berthod

Économiste de référence : Romain Zolla

Création marionnettes et univers plastique : Amélie Madeline, Séverine Thiebault, Camille Trouvé, Jonas Coutancier, Magali Rousseau avec l’aide de Caroline Dubuisson

Scénographie : Brice Berthoud avec Maxime Boulanger et Adèle Romieu

Patines :Vincent Croguennec avec l’aide d’Alexa Pinaud

Création costumes : Séverine Thiébault

Direction et composition musicale : Emmanuel Trouvé

Composition musicale et interprétation live : Stéphane Tsapis

Création et régie lumière : Louis de Pasquale

Création et régie son : Tania Volke

Création vidéo : Jonas Coutancier

Régie Générale : Gaëlle Grassin en alternance avec Marie Jolet

Régie Plateau : Philippe Desmulie en alternance avec Yvan Bernardet

Construction des décors : Les ateliers de la maison de la culture, Scène nationale de Bourges et Salem Ben Belkacem

Du 23 au 26 octobre 2024

Mercredi et vendredi à 20h30
Jeudi à 19h30
Samedi à 18h

Durée : 1h45

Théâtre de Châtillon

3 rue Sadi Carnot
92320 Châtillon
Réservations : billetterie@theatreachatillon.com

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