À l'affiche, Critiques // Littoral, de Wajdi Mouawad, mise en scène de Simon Delétang, Théâtre du Peuple de Bussang

Littoral, de Wajdi Mouawad, mise en scène de Simon Delétang, Théâtre du Peuple de Bussang

Juil 26, 2018 | Commentaires fermés sur Littoral, de Wajdi Mouawad, mise en scène de Simon Delétang, Théâtre du Peuple de Bussang

© Jean-Louis Fernandez

ƒƒ article de Denis Sanglard

Marche, marche et tu verras. Devise de pélerin qui au terme de son voyage se pose cette question « Qu’ai-je vu ? » et dont la réponse demeure « Retourne-toi et tu verras ». Ainsi peut-on résumer Littoral de Wajdi Mouawad. Wilfrid baisait furieusement quand son père est mort. Drôle de coïncidence, tragique circonstance,  lui dont la mère est morte en lui donnant la vie. Mais qui était ce père fuyant toujours son fils ? Et détesté de sa belle-famille qui lui refuse d’être enterré auprès de son épouse. Alors Wilfrid décide d’un dernier voyage, ensevelir son père dans son pays d’origine, le Liban, au village natal. Mais il ne part pas seul Wilfrid, son père mort et terriblement bavard l’accompagne. Et un chevalier, le chevalier de Guiromelan, ami imaginaire  de son enfance, toujours là en toute circonstance, un peu envahissant quand même et qui incite à continuer toujours son chemin, à mener le combat. Le pays est en guerre et les cimetières débordent de victimes. Pas de place pour cette dépouille étrangère. Wilfrid, tel Enée, erre et fuit, son père en bandoulière, rencontre Simone, Amé, Sabbé, Massi et Joséphine. A chacun son histoire, sa douleur, son passé. L’un a tué son père, l’autre doit le venger et le troisième ne l’a jamais connu. Simone a perdu son amour interdit dans un champ de mines, Joséphine n’a plus de famille mais note les morts sur les annuaires qu’elle transporte pour ne jamais oublier leurs noms. Ce voyage devient une aventure, une quête initiatique, celle des origines, de l’identité et de la réconciliation des vivants avec les morts. Texte de Wajdi Mouawad et mise en scène par Simon Delétang qui inaugure là sa direction à la tête du Théâtre du Peuple de Bussang. Conciliant l’idéal de Maurice Pottecher, mélanger amateurs et professionnels, Simon Delétang ouvre aussi le théâtre à la diversité, engageant pour sa première saison des acteurs d’origines différentes. Théâtre du peuple, oui mais de tous les peuples donc. Une diversité bienvenue qui s’épanouit avec cohérence dans le choix de cette pièce au sujet universel. Simon Delétang s’empare du texte à bras le corps… qu’il étouffe quelque peu. Optant, sans doute par la différence sensible des niveaux de jeu entre amateurs et professionnels, pour la tragi-comédie plus que la tragédie, il perd quelque peu en route les pleins et déliés d’un texte riche de nuances au profit de l’action, à l’image de cette marche forcée et continue jusqu’à ce littoral devenu Graal. Sa mise en scène au demeurant simple, sobre et par trop littérale, sans effet majeur ni spectaculaire, sauf bien sûr, attendue ô combien, l’ouverture des portes sur la vallée vosgienne avec laquelle il joue et qui opère toujours son effet, c’est inratable, fait marteler le plus souvent avec un débit de mitraillette le texte et les monologues riches de sens de l’auteur deviennent simples tirades jetées en un seul jet et sans trop de nuance. A peine respire-t-on. On aurait souhaité plus d’intériorité. Il n’y a que les interventions incongrues du père mort et les apparitions intempestives et drôles du chevalier qui temporisent quelque peu cette énergie, qui déborde de partout et font lien. Energie qui n’est, c’est vrai, on dira ça, que générosité et nous fait temporiser quelque peu notre jugement. Malgré tout et malgré nous on est embarqué dans cette odyssée de la mémoire parce que le texte de Wajdi Mouawad au final résiste et que Simon Delétang n’a d’autre prétention faussement modeste que d’apporter sur cette scène, après le sens, « joie et plaisir pour un moment privilégié. » La force de Bussang est sans doute là, dans cette communion particulière avec un lieu et son histoire, sa continuité.

 

© Jean-Louis Fernandez

 

Littoral de Wajdi Mouawad

Mise en scène et scénographie de Simon Delétang

Lumière  Jérémie Papin

Son  Nicolas Lespagnol-Rizzi

Costumes  Marie-Frédérique Fillion

Collaboration à la scénographie et accessoires  Léa Gadbois-Lamer

Collaboration artistique  Jean-Philippe Albizzati

Direction des chants  Margharita Trefoloni

Avec  René Bianchini, Marysa Buyse*, Jean-Noël Delétang*, Simon Delétang, Baptiste Delon, Claudine Deslandes*, Martial Durin*, Ali Esmili, Sylvain Grépinet*, Houaria Kaidari*, Michèle Lautrey*, Richard Mahoungou, Thibault Marissal*, Mathilde-Edith Mennetrier, Emmanuel Noblet, Anthony Poupard, Ousmane Soumah*, Clément Bellefleur*, Coralie Bidal, Marie-Jeanne Burthey

Le poney Velvet et le cheval Shakespeare

*membres de la troupe des comédiennes et comédiens amateurs du Théâtre du Peuple

 

Du 14 juillet au 25 août à 15h

 

Théâtre du Peuple-Maurice Pottecher

40, rue du théâtre

88540 Bussang

Réservations 03 29 61 62 47

www.theatredupeuple.com

 

 

 

Be Sociable, Share!

comment closed