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Littoral, de Wajdi Mouawad, mis en scène par Wajdi Mouawad, à La Colline – Théâtre national

Juil 13, 2020 | Commentaires fermés sur Littoral, de Wajdi Mouawad, mis en scène par Wajdi Mouawad, à La Colline – Théâtre national

 

 

© Tuong-Vi Guyen

 

ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia

 

Créée en 1997 à Montréal, la pièce Littoral est une des pièces majeures du dramaturge et metteur en scène libano-canadien, directeur de La Colline depuis 2016, et présentée à Avignon en 1999, puis en 2009 comme premier volet (avant Incendies, Forêts et Ciels) de sa tétralogie Le Sang des promesses.

Très actif durant le confinement, Wajdi Mouawad a tenu à rouvrir son théâtre avant l’été, en confiant de nouveau Littoral à une jeune troupe qui répétait une autre de ses pièces (Notre innocence), qui aurait du être présentée en cette fin de saison. Il s’agit donc d’une re-création, avec l’originalité de faire alterner chaque soir une distribution féminine et une distribution masculine, remplaçant Wilfried du texte originel par Nour, ce qui, avec des aménagements mineurs de répliques, fonctionne très bien.

Littoral est un texte qui a de grands élans poétiques, des décrochements humoristiques, mais aussi quelques longueurs. On retrouve tout cela dans la nouvelle création de Wajdi Mouawad.

Après un lever de rideau lent et presque solennel, accompagné d’un silence idoine pour faire rentrer le spectateur, privé de représentations depuis quatre mois, dans cet univers du spectacle vivant qui lui a tant manqué, les comédiens arrivent sur scène dans un noir, légèrement fumeux. Après quelques déplacements, des éléments de décors descendent des cintres. Fauteuils et tables colorés, balai et tableau, qui se balancent doucement. Seules certaines chaises seront décrochées et restent sur le plateau noir de la grande salle du théâtre. C’est tout simplement très réussi. Deux musiciens sont également entrés sur le plateau. À jardin, une contrebasse électrique et des percussions et à cour, une Nickleharpa et une flûte enchaînent une composition musicale envoûtante de Pascal Humbert et Charles Segard-Noirclère, qui escorte parfaitement les 2 h 45 de représentation.

Quand les câbles de ce décor éphémère remontent, c’est pour laisser la place à une penderie géante qui descend également des cintres et conduit les acteurs à s’habiller devant nous. Ce prologue introductif permet après le silence du lever de rideau une autre entrée en douceur dans la pièce (qui joue avec l’idée du tournage parallèle d’un film sur l’histoire qui nous est racontée), provoquant une complicité intimiste avec ses spectateurs : on se prépare, tenez vous prêts dans les gradins, on va revivre ensemble une merveilleuse aventure théâtrale !

De fait, on a renoué, dès les premiers mots de cette pièce que l’on connaît bien. Nour s’adresse au juge en s’adressant à nous ou inversement. Malheureusement, dès le début le texte est trop crié et la voix de Hatice Özer, qui a pourtant une belle présence sur scène, ne sera jamais vraiment placée.

Nour/Wilfrid a appris la mort de son père alors qu’elle/il était en plein ébat sexuel. Le coup de sa vie. La pièce démarre alors vraiment. Le plateau est presque nu, sans décor, la mise en scène et la scénographie sont simples, mais quelques beaux moments surgissent, ponctués, cadrés par des délimitations d’espaces opérées par les comédiens eux-mêmes devant nous, déroulant des rouleaux de scotch blancs et bleus pour symboliser une pièce ou la mer. Le public rit, souvent dans les moments les plus vulgaires sur le plan lexical, ou les plus grossiers sur le plan dramaturgique, en particulier lors des apparitions de la « Chevaleresse » Bérangère, l’ami/ange gardien imaginaire qui accompagne Nour tout au long de sa quête pour trouver le lieu adéquat pour enterrer son père. Ce père qui a fuit à sa naissance, qui a couté la vie à sa mère ; ce père que toute sa belle-famille renie en refusant son inhumation dans le caveau familial. Ce père mort, dont il faut reconnaître le corps à la morgue. Ce père avec lequel Nour va converser tout au long de sa quête jusqu’au « littoral » et à son monologue final dans lequel Patrick Le Mauff qui l’incarne, réduit à une présence discrète pendant deux heures, révèle une diction et une présence sublimes en l’espace de quelques instants.

Wajdi Mouawad a dit n’avoir pas réussi à avoir fait plus long, boutade certes, mais son spectacle gagnerait vraiment à être resserré, il n’en serait que plus fort et plus émouvant, particulièrement en ces temps où son texte résonne étrangement, un temps où enterrer ses morts ne relève plus de l’évidence.

 

 

Littoral de Wajdi Mouawad

Sur une idée originale d’Isabelle Leblanc et Wajdi Mouawad

Assistanat à la mise en scène Vanessa Bonnet

Musiques originales Pascal Humbert et Charles Segard-Noirclère

 

Avec : Patrick Le Mauff, Hatice Özer, Julie Julien, Hayet Darwich, Jade Fortineau, Darya Sheizaf, Emmanuel Besnault, Théodora Breux

 

 

Du 7 au 18 juillet 2020

À 15 h ou 20 h 30 du mardi au samedi, relâche les 12 et 14 juillet

Durée 2 h 45

 

 

Théâtre national – La Colline  

15 rue Malte-Brun

75020 Paris

 

Réservation 01 48 62 52 52

www.colline.fr

 

 

 

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