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L’homme assis dans le couloir, de Marguerite Duras, mise en scène de Gabriel Garran, Les Déchargeurs

Juin 20, 2019 | Commentaires fermés sur L’homme assis dans le couloir, de Marguerite Duras, mise en scène de Gabriel Garran, Les Déchargeurs

 © Xavier Deleu

 

 

ƒ article de Nicolas Brizault

L’homme assis dans le couloir. Un texte particulier de Marguerite Duras, publié en 1980 et plongeant dans le corps, les corps, l’un et l’autre n’existant qu’avec un troisième qui observe, narre, rend possible et évident uniquement grâce à cela, sa présence, sa participation ? On pourrait poursuivre en parlant du lecteur ou encore, ici, du spectateur, mais point trop n’en faut. Un homme est assis dans le couloir donc et regarde cette femme nue dehors, qui l’attend l’attire, l’espère, le somme de la rejoindre. Puis le sexe. Le combat. La force et les larmes. Tout ceci décrit, hurlé, aspiré, oublié par une voix qui raconte.

Ce texte très court est ici mis en scène par Gabriel Garran. Une femme, Marie-Cécile Guéguen, décrit, écrit, boit et voit. Vibre. C’est sans aucun doute le but du jeu, ce qui a été mis en place, espéré. Les idées et les tentatives sont dans la mise en scène, pourquoi pas la scénographie, qui peut elle aussi nous prendre ici ou là. Pas de doute. Pourtant dans cette petite salle, dont l’exiguïté pourrait être un présent et faire naître un espace mental, des correspondances entre ici, là, des interrogations − sommes-nous tout près de ce couloir ? Dans ce couloir ? Est-ce dans cette pièce que tout est créé, comme pourraient le montrer cette machine à écrire, cette bouteille de whisky entraînante ? − tout se casse la figure. Marie-Cécile Guéguen est terre à terre, ou divague, s’envole, le sexe et les mots sont là. Mais malheureusement nous ne mordons pas à l’hameçon. Nous ne sommes pas entraînés, traînés. Le potentiel est là, la beauté non. Dommage. Le texte est resté sur l’autoroute, ou enfermé dans le couloir, par un vilain courant d’air. La monotonie le remplace. La sensualité ou même son image sont absentes. Ce couloir se transforme en salle d’attente. Évidemment, quelques mots sautent, c’est la première, rien de grave, au contraire, on se sent plus proche de la comédienne ici. C’est peut-être la seule émotion, diffuse.

On est très vite assommé. Comme si sur scène une femme souhaitait nous dire « vous avez-vu comme je joue bien ? » Aucune grâce, on se dit que cela fait peut-être partie de la mise en scène, est-ce voulu ce jeu dépourvu de véritable vie ? Dépourvu d’essence, de sens ? Le texte reste désincarné. On voit des cuisses, des seins, des mains vivantes un peu partout sur scène aujourd’hui. Très souvent les images explosent et nous entraînent formidablement, plus loin. Ailleurs. Là, les boutons défaits, avec force et ostentation, font que l’on tâche de ne pas y voir une plate et incongrue obscénité.

On a envie de pousser, pousser Marie-Cécile Guéguen à recommencer, encore, encore, encore pour qu’elle perde tête, se noie dans une rage surprenante et enfin explose, devienne des mots, un corps, de la légèreté. De la force en quelque sorte. Une violence première et non sa tentative lassante. Ici de la redondance macérée, pas le moindre débris, d’écho, de sensualité. Rien. Du sexe mort.

 

Répétitions, Marie-Cécile Gueguen et Gabriel Garran © Graziella Riou

 

L’homme assis dans le couloir, de Marguerite Duras

Mise en scène  Gabriel Garran

Avec Marie-Cécile Gueguen

Musique  Pierre-Jean Horville

Lumière  Franck Thévenon

Scénographie  Julie Maret

Décors  Jean Hass

Assistant à la mise en scène  Bruno Subrini

 

 

Du 18 juin au 6 juillet 2019

Du mardi au samedi à 21h30

 

Durée 1h05

 

Les Déchargeurs / Le Pôle
3 rue des déchargeurs

Rez-de-Chaussée,  fond de cour

75001 Paris

 

Renseignements : T+ 01 42 36 00 50

www.lesdechargeurs.fr

 

 

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