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Les premiers adieux de Miss Knife, création d’Olivier Py, au Théâtre de l’Œuvre

Fév 07, 2018 | Commentaires fermés sur Les premiers adieux de Miss Knife, création d’Olivier Py, au Théâtre de l’Œuvre

fff article de Denis Sanglard

© Eric Deniset

Mister Py et Miss Knife. Le comédien, directeur du festival d’Avignon, l‘écrivain et son double, son avatar. Voilà plus de trente ans que Miss Knife, la langue acérée, l’esprit caustique, arpente les théâtres, de Lisieux à Bourges, bouleversante et bouleversée. Qu’elle raconte, telle la vagabonde de Colette, sa vie de théâtreuse (« Martyre sous les roses », « le rôle est trop court »), ou ses amours éphémères, ses amants d’un soir, à peine vus, déjà disparus, ceux des toilettes de la gare de l’Est, fauchés par le sida. Déchirant « amours sans promesse » qui vous glace. Premiers adieux c’est une blague, elle qui n’a nullement l’intention de s’arrêter. Idée saugrenue d’un producteur pour attirer une génération née dans les années 90. Mais comment peut-on être né dans les années 90 s’interroge notre chanteuse vieillissante à l’ironie mordante. Elle dont la carrière débuta dans les années 80, lanceuse de couteaux. (Dans la nuit au Cirque, d’Olivier Py). Désormais ce sont des chansons qui vous saignent à blanc qu’elle affute. Digne héritière des Damia, Fréhel, Solidor… chanteuses réalistes et consœurs dont les chansons étaient de ces bijoux qui ne sont que des coups et des bleus dont on se fait un collier, dont on se pare avec panache. Car sous le strass, les paillettes, la robe lamée or, l’âme est lourde et le cœur chagrin. La mélancolie noire et tenace. Miss Knife est une survivante qui a vu une génération fauchée par le SIDA. Témoin douloureux d’une génération, la sienne, combattante et combattue. Enfiler une robe, troubler bravache et fière le genre, c’est encore, vent debout, défier tête haute et têtue, le patriarcat et sa violence toujours d’actualité. Patriarcat qu’elle emmerde du haut de ses talons vertigineux. La lutte n’est pas finie et sous la perruque blonde qui tombe bientôt, comme tombe les masques, Olivier Py tenace ne lâche rien, lui non plus. « Il faut apprendre à vivre ». Et c’est bien une leçon de vie, une vie d’engagement, de théâtre, ce qui revient parfois au même, que chante notre divette écorchée, fatiguée mais extra-lucide. Miss Knife est bouleversante derrière son humour provocateur et son humeur décapante. « Ne me secouez pas. Je suis plein de larmes » écrivait Henri Calet. C’est peut être ça qui définit le mieux Miss Knife. D’être sur cette crête fragile où l’impudeur travestie le dispute à la douleur accueillie pour ne jamais sombrer dans le chagrin. La douleur est bien là cependant, à la pointe de l’âme, et le combat l’emporte, mais nul pathos, ce n’est pas le genre de la maison. Et puisqu’on ne combat jamais seul, d’autres créatures écorchées, d’autres combattantes flamboyantes sont invitées, le temps d’une ou deux chansons. Pour l’heure ce sont les pensionnaires de chez madame Arthur, cabaret interlope et résistant, pied de nez à la bien-pensance, qui sont les hôtes de Miss Knife. Arielle Dombasle, autre créatures s’il en est, est passée, le temps de roucouler une Paloma haute perchée. « J’entends ta voix » clôt avec émotion brute ce récital de folle sublime et sublimée. Au-delà, ce sont toutes les voix qui se sont tues et que l’on tue qui hantent soudain le théâtre.

Les premiers adieux de Miss Knife création d’Olivier Py
Chant Olivier Py
Batterie Julien Jolly
Saxophone, flûte Olivier Bernard
Piano Stéphane Leach
Contrebasse Sébastien Maire

Les 2, 3, 9 et 10 février 2018 à 23h

Théâtre de l’Œuvre
55 rue de Clichy
75009 paris
M° Place de Clichy

Réservations 01 44 53 88 88
www.theatredeloeuvre.com

 

 

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