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Les grands, conception et mise en scène de Fanny de Chaillé, au Théâtre Paris-Villette

Fév 14, 2019 | Commentaires fermés sur Les grands, conception et mise en scène de Fanny de Chaillé, au Théâtre Paris-Villette

 

© Marc Domage

 

ƒƒƒ article de Toulouse

Où est passée notre âme d’enfant ? A-t-elle disparue entièrement avec l’âge adulte, ou continue-t-elle encore de nous suivre comme un fantôme silencieux et sage dans les méandres nostalgiques de notre mémoire ? Fanny de Chaillé ouvre ainsi ce chapitre en proposant une puissante et belle création.

Trois générations, bien complices, se croisent au plateau. Il y a tout d’abord les « minis », créatures sans filtres, changeantes comme la lune, ou autrement dit les enfants. Suivent les ados, êtres d’une lucidité cruelle sur le monde et sur leur condition. Et enfin il reste les adultes, qui semblent surplomber la situation et observer grandir ou évoluer leur morceau d’existence, c’est à dire leur mini-double, comme une ombre d’eux-même déjà bien lointaine.

Les grands jouent ainsi avec les petits, tout en les narguant. Ils prennent des voix d’ados et, tandis que qu’un ballet de petits regards circulent sur toute la scène, eux, derrière, s’amusent à monologuer et faire les voix off d’un paysage intérieur. La première impression est certes quelque chose de drôle, de ludique même (comme un jeu d’enfant), puis se détache de cette toile amusante un sentiment familier et tout à fait profond de nostalgie. Il ne s’agit pas de cette veille nostalgie plombante et insidieuse, mais de celle qui nous retourne le cœur pour nous dire « te souviens-tu comme c’était bon ? », un élan de vie qu’il est heureux d’attraper.

Pour ce faire, Pierre Alferi a su écrire nombre de textes tout à fait délicieux, qui nous redonnent la saveur de l’enfance. Il nous offre là une réflexion poétique sur le langage qui traverse les âges, et croise ainsi différentes façon de se dire au monde. Les trois comédiens, nous parlons ici des grands, sont bluffants de justesse et tiennent une ligne solide (quoique ténue et sensible) tout au long du spectacle.

Sur scène, Fanny de Chaillé a su habiter le plateau en déclinant une grammaire chorégraphique tout à fait intéressante et peu banale. C’est ce qu’on pourrait appeler « danse conceptuelle » ou « non-danse », sans vouloir catégoriser cette artiste dans un courant de pensée théorique, et qui consiste plus à être ou exister sur scène qu’à faire ou fabriquer du mouvement. Ainsi, s’envisage tout une variation de gestuelles tirant son mouvement du quotidien et de motricités fondamentales telle que la marche. On sent cela dès l’ouverture du spectacle, où une fillette vient seule sur scène, et entame un ballet ordinaire de gestes familiers. Pourtant, plus chez les enfants qu’à tout âges, une danse secrète semble s’allumer intérieurement. N’avez-vous jamais observé un enfant seul habiter un monde qui lui est propre ? La liberté et la spontanéité qu’il semble convoquer est proche de la danse. Avoir mis le doigt dessus en poétisant tout ces gestes quotidiens et ce qui nous rattache à l’enfant est un acte tout à fait bouleversant. On sort en somme de ce spectacle assez troublé, avec une certaine distance sur soi-même, essayant d’activer de part et d’autre un sourire d’autrefois, celui que nous avions comme presque effacé de notre mémoire.

 

© Marc Domage

 

 

Les grands, conception et mise en scène de Fanny de Chaillé

Texte Pierre Alferi

Avec les grands Margot Alexandre, Guillaume Bailliart, Grégoire Monsaingeon

Les ados Alexandre Furet, Célestin Séraphine, Violette Séraphine ou Aksel Aydinloglu, Leïna Benoit-Maazouz, Florian Frenais-Minthe

Les minis Gaspard Boulet, Hadrien Le Mestique, Stéphane Poulet ou Automne Carbonnier, Léonard Dadé, Maxence Ziadé

Chanson originale Dominique A

Conception sonore Manuel Coursin

Conception de la scénographie et des costumes Nadia Lauro

Lumières Willy Cessa

Assistant mise en scène Christophe Ives

Régie son  Jérémie Sananes

Régie lumière Jean-Marc L’Hostis

Régie plateau Bastien Metz

 

Du 8 au 16 février 2019

Du mardi au samedi à 19h et le dimanche à 15h30

 

Théâtre Paris-Villette

211 avenue Jean Jaurès

75019 Paris

Réservation au 01 40 03 72 23

www.theatre-paris-villette.fr

 

Métro ligne 5 : Porte de Pantin
Tramway 3B :  Porte de Pantin – Parc de la Villette

 

 

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