Critiques // « Les Géants de la montagne » de Pirandello, mise en scène Stéphane Braunschweig, La Colline – Théâtre National

« Les Géants de la montagne » de Pirandello, mise en scène Stéphane Braunschweig, La Colline – Théâtre National

Sep 07, 2015 | Commentaires fermés sur « Les Géants de la montagne » de Pirandello, mise en scène Stéphane Braunschweig, La Colline – Théâtre National

ƒƒƒ article de Camille Hazard

© Elisabeth Carecchio

© Elisabeth Carecchio

L’aventure avec Pirandello remonte à 9 ans.

En 2006, au TNS, Stéphane Braunschweig met en scène pour la première fois, une pièce de l’auteur ; Vêtir ceux qui sont nus. En 2012, c’est au Festival d’Avignon, qu’il présente Six personnages en quête d’auteur, au Théâtre des Carmes.

En cette rentrée théâtrale bien chargée, c’est avec émerveillement que nous accueillons Les Géants de la montagne, dont Stéphane Braunschweig s’est occupé de la mise en scène, de la scénographie mais aussi de la traduction.

Dans cette pièce inachevée, Pirandello, questionne la place de l’artiste au sein d’une société faite de divertissement et de consommation. Le texte écrit l’année de sa mort, en 1936, met en scène le triomphe de l’imagination sur un monde désenchanté. Dans une société où les Hommes ne croient qu’aux billets de banque, l’artiste doit-il poursuivre sa lutte et sa quête au milieu des villes en prenant le risque de se perdre, de s’épuiser ou doit-il au contraire, quitter cette société abrutie et bruyante pour s’installer sur des terres propices à la rêverie et à l’imagination ?

Si Pirandello pose la question sous le régime fasciste Mussolinien, il annonce dans le même temps toute notre société occidentale reconstruite après la guerre ; le modèle capitaliste partisan de l’individualisme, du besoin matériel, du cycle infernal travail-divertissement, de l’appauvrissement culturel au profit de temps de cerveau disponible…

« Il suffit d’y croire »

Une troupe de théâtre, multipliant les échecs et ne parvenant plus à représenter sa pièce, arrive dans un coin reculé pensant qu’ils vont pouvoir jouer. Les comédiens tombent nez à nez avec Cotrone et ses « poissards » ; des reclus regroupés dans une villa, loin de l’agitation des villes. La villa est le lieu des possibles ; un lieu où il n’y a rien, où seul le pouvoir de l’imagination fait advenir les choses. Cotrone propose à la troupe de s’y installer, de se retirer définitivement de ce monde qui renie leur art. La troupe est partagée, si certains comédiens sont las de survivre de leurs échecs et aspirent au repos, la Comtesse Ilse, souhaite se battre jusqu’à la mort pour faire entendre le texte de La Fable de l’enfant échangé. Cotrone a une idée ; pourquoi ne pas représenter cette fable devant les Géants de la montagne…

La mise en scène de Stéphane Braunschweig, lumineuse de simplicité, fait entendre le texte de Pirandello à travers le jeu de comédiens tout à fait exceptionnels. Le plateau vide, accueille en son centre un parallélépipède de verre. La transparence de la villa peut s’obscurcir, laissant place à des ombres et des animations projetées sur les façades. Telle un crâne tantôt perméable à l’imagination, tantôt se fermant à toute évocation, la maison laisse advenir les esprits, les images lorsque les rêves s’emparent des hommes.

« Si la pièce me semble si fascinante, c’est qu’elle met en résonnance dans des harmonies inouïes l’imaginaire et la mort » S.B

Dans la pièce, nous sommes les témoins du combat entre le corps et l’esprit. Le corps, rattaché à une réalité quotidienne, le corps douleur par les manques endurés, affronte l’esprit dégagé de tout besoin, l’esprit libre, poétique, « libéré des contraintes de la réalité ». C’est à travers le jeu de ses comédiens que le metteur en scène libère la parole de Pirandello. Les codes de jeu diffèrent selon les personnages et les idées véhiculées ; les comédiens de la troupe tiennent un jeu ancré, ample qui se déverse sur le plateau tandis que la comtesse Ilse, incarnation de la lutte pour la survie de l’art, tient une partition plus cérébrale, à l’adresse tendue vers le ciel. La comédienne Dominique Reymond, qui incarne ce rôle, met beaucoup d’animalité dans son jeu, évitant tout lyrisme. Claude Duparfait, qui interprète Crotone, profère sa parole dans un statisme et une dimension quasi divine. Le corps n’existe plus, seule la voix relie le monde la terre au monde de l’air. Stéphane Braunschweig parle souvent de « parcours » qu’il fait avec les comédiens ; les choses invisibles sont dévoilées, il n’y a rien sur le plateau et pourtant nous voyons tout. Tel Crotone, le metteur en scène fait advenir le monde du théâtre par la seule puissance de l’imagination.

Les Géants de la montagne
De Luigi Pirandello
Traduction, mise en scène, scénographie Stéphane Braunschweig
Collaboration artistique Anne-Françoise Benhamou
Collaboration à la scénographie Alexandre De Dardel
Costumes Thibault Vancraenenbroeck
Lumières Marion Hewlett
Son Xavier Jacquot
Vidéo-animation Christian Volckman
Harmonium Laurent Lévy
Assistante mise en scène Amélie Enon
Assistant costumes Isabelle Flosi
Maquillage et coiffures Karine Guillem

Avec Dominique Reymond, Pierric Plathier, Cécile Coustillac, John Arnold, Romain Pierre, Jean-Baptiste Verquin, Thierry Paret, Claude Duparfait, laurent Lévy, Jean-Philippe Vidal, Daria Deflorian, Julien Geoffroy, Elsa Bouchain, Maria Schmitt

Du 2 au 17 septembre 2015
Et du 29 septembre au 16 octobre 2015
Du mercredi au samedi à 20h30, mardi à 19h30 et dimanche à 15h30

La Colline-Théâtre National
15 rue Malte-Brun – 75020 Paris
M° Gambetta
Réservation 01 44 62 52 52
www.lacolline.fr

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