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Les Démons, d’après Fiodor Dostoïevski, mise en scène de Guy Cassiers, Comédie-Française, Richelieu

Oct 03, 2021 | Commentaires fermés sur Les Démons, d’après Fiodor Dostoïevski, mise en scène de Guy Cassiers, Comédie-Française, Richelieu

 

© Christophe Raynaud de Lage, coll. Comédie-Française

 

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault

Les Démons, ou comment se laisser surprendre. Certains soirs on est mal luné et on se dit qu’un long retour vers la campagne russe, en plein milieu du XIXe siècle, pourrait être difficile. On imagine Varvara Stavroguina mener son monde à la baguette et tenter de marier Stépane Verkhovenski qui habite chez elle depuis vingt ans avec la douce (et jeune) Dacha Chatova. On entend déjà son fils Nikolaï, le superbe, draguer ici ou là, laissant filer une perversité certaine. Il est très en lien avec Piotr, le fils de Stépane, ce presque vieil homme trop sage et qui n’a rien de commun avec son fils, quasi terroriste nihiliste – contre lesquels Dostoïevski s’élevait –, caressant l’idée folle de monter uns contre les autres pour que tout explose et l’amuse. Nikolaï et Piotr s’entendent bien, parfois presque tout au bord d’un amour étrange. Ils hurlent, se touchent, cherchent. Ils plongent leur univers dans une nuit écrasante, la perte est pour eux un jeu dans lequel ils poussent celles et ceux qui s’approchent, innocemment ou non. Tous ces personnages pensaient suivre une voie certaine et droite. Quelle erreur !   Autour d’eux apparaissent Ivan Chatov, fruste et frère de la protégée de Varvara Stavroguina, et toute une suite d’hommes et de femmes bien placés qui souhaitent remettre la Russie en forme, une minorité qui écrase et dirige la majorité, s’éloignant de cette Europe prétentieuse. Piotr cherche à « inventer » ces révolutionnaires, en discutant sagement dans leurs salons. Des victimes efficaces y seront cherchées et trouvées, le feu et le sang surgissant. Le noir l’emportera.

Et Les Démons, avec cette fine équipe de la Comédie-Française, dirigée par Guy Cassier, sur une adaptation d’Erwin Mortier va nous rendre amnésique. Nous sommes « pris », enlevés presque par ce travail s’appuyant sur la forme première de ce long roman, présenté au tout début sous forme de feuilleton.

La – les – surprise(s) naissent et la scénographie doit rire en nous voyant. Les personnages discutent, échangent, se touchent. Oui et alors ? Eh bien le face à face n’existe pas, il est recréé plutôt. Varvara (elle aime tout diriger) apprend à Stépane qu’il va épouser Dacha. Ils sont chacun d’un côté de la scène, se tournent le dos, et apparaissent sur trois écrans gigantesques et suspendus, trois miroirs presque. Dominique Blanc et Hervé Pierre sont face à des « aides » qui prêtent leurs mains, avant-bras, pour que les reflets soient justes, fassent « comme si » ils étaient côte à côte. Les spectateurs peuvent regarder les comédien-nes, souvent de dos, loin, isolés, les reflets géants font « justice, justesse ». Au tout début cela fait perdre un rien l’attention au texte, l’admiration amusée l’emporte. Et puis on décide ce que l’on veut suivre, film lié ou théâtre découpé. On passe de l’un à l’autre. Toute la première partie de la pièce est ainsi. Comme par magie, magie obscure certes. Personne ne cherche à aller vers l’autre. Cette idée a du bon et du moins bon, l’étonnement émerveillé se lasse. Et sur ces visages surdimensionnés les micros apparaissent, avec ce petit scotch qui les maintient, etc. Les voix y sont aussi comme ligotées, loin, un rien cotonneuse, du début à la fin. Dommage.

Les décors sont simples, des panneaux sont tournés devant nous : on passe d’un salon à un autre, on est poussés dans la rue, puis dans la ville en flammes. Ces changements rythment les scènes, nous emportent. On se laisse faire. Il neige ou bien nous sommes déjà au printemps. Idées splendides et « matérielles » de Guy Cassier. Elles ne sont pas les seules, son travail avec tous ces « démons » est époustouflant. Les deux heures et trente minutes annoncées pouvaient paraître un rien rébarbatives ? Elles ne le sont pas, bien au contraire. Les Démons nous attrape et nous fascine, la puissance est là. Les idées, le talent… Aucun doute.

 

 

© Christophe Raynaud de Lage, coll. Comédie-Française

 

Les Démons, mise en scène de Guy Cassiers

D’après Fiodor Dostoïevski

Adaptation : Erwin Mortier
Traduction : Marie Hooghe
Dramaturgie : Erwin Jans
Scénographie et costumes : Tim Van Steenbergen
Lumières : Fabiana Piccioli
Vidéo : Bram Delafonteyne
Son : Jeroen Kenens
Assistanat à la mise en scène : Stéphanie Leclercq
Assistanat à la scénographie : Clémence Bezat
Assistanat aux costumes : Anna Rizza
Assistanat aux lumières : François Thouret

 

Avec la troupe de la Comédie-Française :

Alexandre Pavloff, Christian Gonon, Julie Sicard, Serge Bagdassarian, Hervé Pierre, Stéphane Varupenne, Suliane Brahim, Jérémy Lopez, Christophe Montenez, Dominique Blanc, Jennifer Decker, Clément Bresson et Claïna Clavaron

Et les comédiens de l’académie de la Comédie-Française :

Vianney Arcel, Robin Azéma, Jérémy Berthoud, Héloïse Cholley, Fanny Jouffroy et Emma Laristan

 

Du 22 septembre 2021 au 16 janvier 2022

Matinées à 14 h, soirées à 20 h 30

Durée 2 h 30

 

Comédie-Française

Place Colette

75001 Paris

www.comedie-francaise.fr

Réservations 01 44 58 15 15

 

 

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