Critiques // Critique • « Les Bonnes » de Jean Genet, mise en scène de Sylvie Busnel au Théâtre de l’Atelier

Critique • « Les Bonnes » de Jean Genet, mise en scène de Sylvie Busnel au Théâtre de l’Atelier

Sep 26, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « Les Bonnes » de Jean Genet, mise en scène de Sylvie Busnel au Théâtre de l’Atelier

Critique de Rachelle Dhéry

« Puisque tu es si habile, il fallait réussir ton affaire avec Madame. Mais tu as eu peur. L’air était parfumé, le lit tiède. C’était Madame ! Il nous reste à continuer cette vie, reprendre le jeu. »
Claire

Au théâtre de l’Atelier, cette saison, on peut découvrir ou re découvrir une œuvre majeure du répertoire, « Les Bonnes » de Jean Genet. Ecrite en 1947, aux dires de certains, inspirée de faits réels, bien que cette soi-disant inspiration fut toujours catégoriquement niée par l’auteur, cette pièce, aux frontières du réalisme, dévoile le fantasme de deux sœurs, Solange, l’aînée, et Claire, qui travaillent au service de Madame, en tant que domestiques. Mutilées de leurs vies propres, les deux sœurs s’adonnent à un jeu étrange de travestissement, où elles deviennent tour à tour Madame, ou Monsieur, ou Solange, ou Claire, lorsque Madame est sortie. Frôlant la schizophrénie et proches de la paranoïa, les sœurs complotent avec véhémence dans l’espoir de tuer Madame. Cette femme qu’elles idolâtrent et haïssent à la fois. Mais leur jeu terrible et cruel tourne finalement à la tragédie, et la mort de Madame s’incarne par la mort de Solange, et la pièce s’achève ainsi.

Solange – Je voudrais t’aider. Je voudrais te consoler, mais je sais que je te dégoûte. Je te répugne. Et je le sais puisque tu me dégoûtes. S’aimer dans le dégoût, ce n’est pas s’aimer.
Claire – C’est trop s’aimer.

Pour sa mise en scène, Sylvie Busnel respecte l’unicité du lieu (la chambre de Madame), dans un décor fin XXème siècle. Du noir, du rouge, un sol et un lit noirs satinés, des vases emplis de fleurs et des costumes très chics pour Madame, très épurés pour les bonnes. Des reflets astucieux allongent la vision des spectateurs, et donnent une profondeur intéressante aux personnages incarnés. Toute la scénographie évoque à la fois la sensualité, le charnel et le macabre, la pureté et le malsain, la folie et la grandeur. L’ambiance sonore en filigrane est en parfaite adéquation avec la narration. Dans sa version, les sœurs sont jeunes et en pleine possession de leur beauté et de leurs passions. Madame est belle, mais bien plus âgée. Les sœurs évoluent dans la tragédie et Madame, dans la comédie. Le décalage est flagrant.

« Il est si agréable de faire des heureux autour de soi. Quand je ne songe qu’à faire du bien ! Qui peut être assez méchant pour me punir. »
Madame

Il y a donc eu une certaine recherche, un soin particulier recherché dans la scénographie. Malheureusement, cela ne suffit pas. La direction d’actrices reste encore une piste à approfondir. Exceptée Christine Brücher, qui incarne admirablement bien cette Madame bourgeoise condescendante et exécrablement sympathique, les deux sœurs (Prune Beuchat et Lolita Chammah), sont plus belles qu’inquiétantes et passent un peu trop à côté de la folie propres aux bonnes, de Jean Genet. (Ce qui est bien dommage, quand on sait que la place est à 25€, tout de même !)

Les Bonnes
De : Jean Genet
Mise en Scène : Sylvie Busnel
Avec : Prune Beuchat, Christine Brücher et Lolita Chammah
Décor et costumes : Jérôme Kaplan
Lumières : Olivier Oudiou
Musique : Stéphane Scott
Collaboration artistique : Stéphanie Leclercq et Constance Laufer
Consultant artistique : Frédéric Franck

Du 21 septembre au 31 décembre 2011
Du mardi au samedi à 19h, dimanche à 16h

Théâtre de l’Atelier
1 place Charles Dullin, Paris 18e
Métro Abbesses, Anvers – Réservations 01 46 06 49 24
www.theatre-atelier.com

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