Critiques // Lecture • « Sarah Bernhardt » par Sophie-Aude Picon chez Gallimard, collection folio biographies

Lecture • « Sarah Bernhardt » par Sophie-Aude Picon chez Gallimard, collection folio biographies

Juin 17, 2013 | Aucun commentaire sur Lecture • « Sarah Bernhardt » par Sophie-Aude Picon chez Gallimard, collection folio biographies

ƒƒ Lecture Dominika Waszkiewicz

 sarah-bernhardt-sophie-aude-picon-bioPoint n’est besoin de présenter Sarah Bernhardt… ou peut-être si, justement : tant de mythes ont circulé autour de celle qu’Hugo nomma la « Voix d’or », mythes parfois entretenus par la comédienne elle-même d’ailleurs ! Entre les myriades d’ouvrages qui lui sont consacrés et ses deux autobiographies où la vérité s’accoquine aisément avec la fantaisie imaginative, il est délicat de démêler le vrai du faux.

Pourtant, grâce à de solides recherches et à une connaissance exhaustive du contexte littéraire, théâtral et mondain, Sophie-Aude Picon nous propose, en poche, une étude rigoureuse et documentée sur les pas de la « divine Sarah ».

« Quand même ! »

Entre son « Sarahtorium » bellilois du fort des Poulains et ses tournées mondiales, de Victorien Sardou à Victor Hugo en passant par Edmond Rostand ou Pierre Loti, la vie de l’infatigable comédienne tient du tourbillon.

Pas vraiment portée sur le théâtre, elle doit choisir, à 14 ans, entre le mariage et la scène. C’est en découvrant Britannicus et Amphytrion au Français qu’elle conçoit sa vocation de comédienne.

Du Conservatoire, en passant par la Comédie-Française ou le théâtre de l’Odéon, Sarah Bernhardt s’impose par un jeu à la fois énergique et pathétique. Ses apparitions émeuvent et charment, son allure serpentine unique (elle se débarrasse, par exemple, du carcan du corset) envoûte, son incomparable voix caresse. Reprenant, à son compte, les codes gestuels conventionnels (sans doute appris auprès du fardé M. Élie), elle les accentue afin d’en révéler tout le pathos et joue, ainsi, sur l’empathie provoquée.

Fidèle à sa devise « quand même ! », elle se lance dans toutes les aventures : actrice, dramaturge, peintre, sculpteur, directrice de théâtre. À l’heure où l’on se pose la question de la parité, Sarah semble représenter l’émancipation par excellence. « Sache vouloir » lui dit la comédienne Madeleine Brohan. Et elle le sait : faisant fi des règles et des conventions sociales, elle n’hésite pas à imposer sa vision des choses. En contrepartie, la littérature satirique et pamphlétaire ne chôme pas et, du squelette au fauve, les caricaturistes s’en donnent à cœur joie. Chaque évènement est illustré, déformé ou fantasmé. Première figure surmédiatisée, Sarah Bernhardt a su jouer avec cette dimension mythique pour se construire en véritable légende.

Une référence, incontestablement

Ce petit livre, pertinemment ponctué d’une foule de citations critiques et de témoignages, est un ouvrage de référence sur Sarah Bernhardt. Précis et orchestré de manière chronologique, il peut se consulter par bribes, suivant les étapes principales de la vie de la comédienne. Sa louable densité rend délicate une lecture linéaire et l’effet de liste peut se révéler un brin redondant à la longue.

Cependant, glissé à la pénultième place, se trouve un petit chapitre, trésor de synthèse, sur le rapport de Sarah au mouvement. Clair et concis, il reprend, en les confrontant, les points de vue de Rostand, Banville, Reynaldo Hahn, Jules Lemaître ou encore Francisque Sarcey. Il interroge les différents regards pour livrer, un peu à la manière de la toile de Clairin[i], les clefs du mystère de cette figure serpentine et de son pouvoir quasi-mesmérien.

Sarah Bernhardt
De Sophie-Aude Picon

Editions Gallimard
5, rue Gaston Gallimard
75328 Paris cedex 07

www.folio-lesite.fr


[i] Georges Clairin (1843-1919), Sarah Bernhardt dans le rôle de la Reine (Ruy Blas, Victor Hugo), 1879
Paris, Comédie Française
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