Lectures // Lecture ・ « Mourir tendre » de Guy Régis JR / Editions les Solitaires Intempestifs

Lecture ・ « Mourir tendre » de Guy Régis JR / Editions les Solitaires Intempestifs

Déc 11, 2013 | Aucun commentaire sur Lecture ・ « Mourir tendre » de Guy Régis JR / Editions les Solitaires Intempestifs

ƒƒƒ Article Bruno Deslot

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Expirer de la vie !

« Mourir tendre », un titre relevant presque d’une litote, et laissant apparaître en filigrane, la structure syntaxique incertaine d’un texte qui parcourt le monde autrement, tout en suivant les chemins complexes de la tragédie grecque.

Perpétue, Des Gens*, Un D’entre Eux**, Une meute De Chiens, Un Enfant De Douze Ans, les personnages ne sont pas nommés précisément sauf celui de Perpétue, une voix, la voix humaine qui traverse la tragédie comme ces tondus, échappés ou chassés à qui l’ouvrage est dédié. Fendant un ciel céruléen, Perpétue est en exil, en errance, traquée par une meute de chiens qui finira ce que l’homme ne peut accomplir !

Regardée par le chœur, errant dans l’obscurité, devant fuir la ville comme Œdipe car le père d’Alexandre refuse d’accepter l’amour total des deux jeunes gens, Perpétue continue d’implorer celui qu’elle aime en égrenant un chapelet de mots scandés comme à l’infini : « Pleinement éprise, je voudrais, Alexandre, sur moi, posé, ton regard d’homme. Pleinement. Je voudrais, voudrais être, par toi, désirée. Pleinement. Je le veux, je le désire, je le veux, par toi, être par toi, déshabillée. Par toi seul, seul toi. Je scande, je souligne, m’y accentue. Alexandre, je veux à moi qu’il soit, à moi, ce corps-là, ma robe, l’enveloppe qui me contient, ce corps-là pour toi dénudé ; ce corps, finalement, par toi, habité. » La lecture de cette pièce nécessite de respecter la ponctuation avec une attention toute particulière, car elle donne à l’ensemble de la partition toute sa musicalité. Un certain lyrisme souffle sur l’ensemble de cette composition à la fois mortifère et heureuse, cette envie folle « De mourir de la vie », point de délivrance vers lequel toute la pièce tend.

La structure narrative de la pièce s’apparente, dès les premières lignes, à une tragédie grecque, avec un prologue : « Chant inaugural claironné par des voix invisibles et quatre trombones célestes » réinventé à la lumière de cette éclipse qui a provoqué subitement la mort du soleil sur une ville, puis sur tout un pays. Pas de dithyrambes avec un chœur accompagné d’un aulos, mais une voix plurielle, une voix humaine aux nombreuses répétitions semblant nous tendre un piège. Chaque élément de la pièce est une énigme, une intrigue rythmée par le décalage des voix qui s’entrechoquent, se superposent, entrent dans une violence tragique devenant aliénante.

Alexandre, référence à la Grèce, Perpétue, martyre africaine chrétienne morte à Carthage en 203, la meute de chiens, des tribuns rappelant la Rome antique, il est bien difficile d’imaginer plusieurs comédiens interprétant cette pièce tant l’humanité constitue le point de convergence de ces mélopées parfois interminables. Une voix suffit pour faire raisonner les excès de la chair et la cruauté de l’homme animal.

Guy Régis JR réussit à bâtir un édifice complexe, aussi innovant que dérangeant, prenant notre place à tous pour mieux interroger, dicter la condition humaine.

Mourir tendre
De Guy Régis JR
Editions Les Solitaires Intempestifs
1, rue Gay-Lussac
25 000 Besançon
www.solitairesintempestifs.com        

 

 

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