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Lecture ・ Eschyle, L’Arche Éditeur

Déc 29, 2013 | Aucun commentaire sur Lecture ・ Eschyle, L’Arche Éditeur

ƒƒ  Lecture Djalila Dechache

Eschyle

Eschyle, guerrier, comédien, musicien et poète, est considéré comme le plus ancien des trois grands tragiques grecs avec Sophocle et Euripide.

C’est un auteur assez remarquable : treize fois vainqueur du concours tragique, il est l’auteur d’environ 80 pièces sept seulement demeurent. Caractérisée par des spécificités d’écriture, de jeu des comédiens, du chœur, de l’orchestra, de structure, la tragédie occupe une place particulière au sein de la société athénienne. Depuis plus de 2500 ans, elle continue à nous surprendre, à nous enseigner et à fasciner metteurs en scène, comédiens et publics. Comme le dit Jacqueline de Romilly, helléniste et académicienne de renom, « Eschyle aime montrer » ; auteur d’une magnifique bibliographie avec notamment « La crainte de l’angoisse dans le théâtre d’Eschyle », elle défend l’idée d’une Grèce ancienne représentative d’une identité et de valeurs sur laquelle notre société est adossée. Spécialisée dans la traduction de textes latins, les tragédies de Sénèque pour la Comédie-Française, Florence Dupont qui défend tout autant une identité spécifique romaine, propose aujourd’hui une nouvelle traduction des pièces fondatrices des tragédies d’Eschyle. Les travaux des deux spécialistes se complètent donc et viennent enrichir considérablement notre rapport aux Modernes qu’ils furent pour reprendre le mot d’Antoine Vitez.

La tragédie grecque : un livret d’opéra

Les textes d’origine sont composés la métrique de l’hexamètre, caractérisé par six pieds ou six temps forts, permettant de créer un rythme poétique proche du parlé-chanté et de la musique. Dans son introduction, Florence Dupont évoque les difficultés à traduire « l’esthétique d’Agamemnon en soulignant que c’est une partition verbale qui ne prend son sens et sa valeur que dans la performance musicale ». Comme ce n’est pas un texte, la partition fait du lecteur et de l’acteur, un musicien qui se met à déchiffrer et à sonoriser le livret, comme le serait une langue sans points diacritiques par exemple, sans ponctuation, ni début ni fin. Son inventivité passe par  d’habiles associations : ainsi pour le personnage d’Hélène, elle lui adjoint des sonorités du registre des lamentations (Agamemnon, p57).

La puissance invisible qui la nomma Hélène

Faisait entendre son destin dans son nom

Hélène Hélas

Hélène Hélas dit clairement le malheur

Hélène Hélas dit des bateaux naufragés

Hélène Hélas dit des hommes morts

Hélène Hélas dit une ville détruite

Hélène Hélas

En résumé : L’Orestie, narre l’histoire des Atrides, famille maudite des dieux, au destin particulièrement marqué par la violence, des supplices et  la mort. Elle a été composée en 3 pièces par Eschyle pour les Grandes Dionysies d’Athènes en 458 avant J.C.

Agamemnon – Après la guerre de Troie, le roi Agamemnon  retourne dans sa cité d’Argos. Il est assassiné par sa femme Clytemnestre et son amant Egisthe. Le meurtre d’Agamemnon sera vengé par son fils Oreste.

Les Choéphores – voient s’accomplir la prédiction de Cassandre, déesse de la Prophétie, dotée d’une grande beauté, sur les meurtriers d’Agamemnon ; Oreste, certain de son soutien divin, encouragé par sa sœur Électre, égorge Égisthe, puis Clytemnestre. Les Érinyes, déesses de la vengeance, se déchaînent contre lui.

Les Euménides – montrent Oreste harcelé par les Érinyes, qui le persécutent pour avoir tué sa mère. Mais grâce à l’intervention d’Athéna, fille de Zeus, déesse de la Cité et de la Sagesse, Oreste est innocenté à Athènes, par le tribunal en place dont nous garderons le nom d’Aréopage. Les Érinyes deviennent les « Euménides », c’est-à-dire les « Bienveillantes » ; elles apaisent leur fureur qui n’a plus raison d’être.

Pour Florence Dupont, ce « scénario-hypothèsis » est une invention d’Eschyle, qui fait qu’Oreste sera innocenté par Athéna qui créera un tribunal pour le juger. Les Erinyes, installées sur l’Acropole par Athéna, prennent alors le nom de Bienveillantes (Euménides). Le plus important dans ces deux dernières parties étant de faire intervenir le Kommos, séquence où le chœur chante avec un personnage, ce qui a pour conséquence de mettre en empathie le public. Plus fort encore, dans les Choéphores, le Kommos transforme Oreste en justicier et dans les Euménides, les Erinyes deviennent des Bienveillantes, elles chantent avec Athéna. D’autre part, Florence Dupont conteste le fait que l’Orestie aurait laissé place au tribunal en mettant fin aux vengeances. Elle s’appuie sur le sens « du mot dikè qui signifie vengeance et justice. Elle précise même que l’invention d’Eschyle consiste à retirer la justice aux Erinyes pour la confier à un tribunal humain dans la cité d’Athènes, en passant du cadre de la famille à celui de la cité ». Serait-ce une étape intermédiaire propre aux lois de la cité ou un simple jeu de langage d’Eschyle ? En tous cas, des traductions passées ne faisons pas table rase et nous ne le saurons peut-être pas de manière définitive à la lecture des pièces nouvellement traduites par Florence Dupont.

Il faut bien le reconnaître, aucune traduction n’est allée aussi loin dans la compréhension de ces textes patrimoniaux. Cette traversée du temps rendue si fluide, si légère par Florence Dupont, elle nous les livre et les offre pour qu’ils soient encore plus actuels.

Eschyle
L’Orestie, Les Choéphores, Les Euménides,  2013
L’Orestie, Agamemnon, 2013

L’ARCHE Éditeur
86, rue Bonaparte
75006 Paris

www.arche-editeur.com

 

 

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