Lectures // Lecture ・ « Au pied du mur sans porte » de Lazare, Les Solitaires Intempestifs

Lecture ・ « Au pied du mur sans porte » de Lazare, Les Solitaires Intempestifs

Déc 28, 2013 | Aucun commentaire sur Lecture ・ « Au pied du mur sans porte » de Lazare, Les Solitaires Intempestifs

ƒ Lecture Bruno Deslot

 

Revenir à la vie par la vie

 

au-pied-du-mur-sans-porteLe nom de l’auteur, Lazare, est déjà une contradiction par rapport au destin de son personnage éponyme, Libellule, petit garçon sans père qui s’égare dans les flaques où il rencontre son jumeau mort avant d’être né !

Selon la tradition chrétienne, mort depuis trois jours et enterré, Lazare de Béthanie aurait été ramené à la vie par Jésus. Dimension fortement symbolique dont on cherche le lien entre l’histoire d’un gamin de cité dont l’enfance n’est pas heureuse et celle de Lazare de Béthanie, représentation déifiée et pourtant bien loin de la réalité de la pièce que nous propose l’auteur. Cette probable réciprocité est rapidement mise de côté dès lors que l’on s’approprie l’environnement dans lequel grandit Libellule ainsi que les personnages qui l’entourent.

La trame de l’histoire ne nous est pas étrangère. On suit l’itinéraire de Libellule, gosse de banlieue élevé par sa mère et confronté à la réalité d’une vie qu’il subit plus qu’il ne l’apprécie comme n’importe quel autre enfant. Car Libellule est différent ! Dès lors, la dimension décalée du personnage permet à l’auteur de raconter, de se raconter à la lumière d’un monde fermé, d’un mur sans porte dont il lui faut trouver l’issue. Portant de grosses lunettes à l’âge de sept ans, ainsi qu’un gros cartable et une carte orange qu’il égare sans cesse, Libellule a « un retard d’école » comme dit sa mère qui ne maîtrise pas très bien la langue française. Psychiatre, rebouteux, rien n’y fait, le petit garçon accumulera les échecs et grandira à l’ombre des tours de sa cité. 15 ans, puis 17, il entre dans la ronde formée par JR, le dealer, le Policier (sus nommé) et les amis perdus par la drogue, Le Criquet ou Loula. Cela fait bien longtemps qu’il a abandonné l’école, la maison et tout le reste et se dit être « un français sans France ».

Tous les personnages de la cité sont bien présents dans cette pièce qui n’emprunte à aucun folklore son rythme et son désir de s’émanciper du cadre donné dans lequel elle évolue. Et pourtant, il est difficile, à la lecture, de se détacher des clichés rebattus d’une banlieue en souffrance, battante, certes, mais trop conceptualisée pour la transformer en un objet théâtral intéressant. On pressent pourtant chez l’auteur un réel désir de mettre en perspective une langue réinventée, « refondatrice » selon l’expression consacrée du moment, mais cela fait l’effet d’un pétard mouillé. Les ruptures intertextuelles sont prévisibles, on n’entend pas les scansions du verbe que Lazare souhaite mettre en exergue et pourtant, il y a de la matière. La langue est vivante, soufflante et souffrante mais elle peine à s’illuminer de mille fulgurances.

L’histoire que raconte l’auteur est très personnelle et nécessite de toute évidence une rencontre avec le public mais en compagnie d’une troupe d’acteurs concernés par le sujet et investie par la proposition afin de la faire raisonner comme il se doit et ne pas tomber dans la médiocrité. Ce serait dommage.

Au pied du mur sans porte

De Lazare
Les Solitaires Intempestifs
1 rue Gay-Lussac
25 000 Besançon
www.solitairesintempestifs.com

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