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Lecture • « Les monologues de Gaza », Théâtre Ashtar aux Éditions L’espace d’un instant

Mai 26, 2014 | Commentaires fermés sur Lecture • « Les monologues de Gaza », Théâtre Ashtar aux Éditions L’espace d’un instant

ƒƒƒ critique Solveig Deschamps

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Oh Gaza
Quelle connerie la guerre
Qu’es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d’acier de sang

Ils ne s’appellent pas Barbara mais Ahmad… Hiba… Ali… pour prénommer au hasard 33 de ces jeunes auteurs, tous de Gaza, tous rescapés de l’opération israélienne «  Plomb durci » qui a fait 1380 « Martyrs » comme ils disent, parmi eux 431 enfants, leurs copains, leurs frères. C’était l’hiver 2008-2009.

Comment faire après …

Pour vivre avec ses morts, avec la peur au ventre, avec l’espoir, avec sa jeunesse…

En parler, écrire et le dire… Non pas comme une dénonciation, d’ailleurs il n’y en a pas, tout au plus une incompréhension d’être au cœur du conflit israélo-palestinien et d’avoir été oublié du reste du monde, incompréhension de ne pas avoir volé en éclat quand s’écrase un missile.

Écrire pour que d’autres puissent envahir les plateaux de théâtre dans le monde, porteurs de leurs paroles…

Théâtre Ashtar

1991 : Iman Aoun et Edward Muallem, comédiens palestiniens, fondent le Théâtre Ashtar à Jérusalem et proposent entre autres, des formations théâtrales aux jeunes.

2010 : Iman Aoun et Ali Abu Yasin (directeur du théâtre Ashtar à Gaza) proposent à un groupe d’adolescents entre 14 et 18 ans des ateliers d’écriture et de théâtre, s’appuyant sur les techniques de l’art thérapie pour leur permettre de parler de leurs traumatismes. De ce travail naîtront « Les monologues de Gaza ».

Depuis, ils continuent à écrire, ils continuent leur formation théâtrale, certains rêvent d’être acteurs ou premier ministre, pour refaire le monde.

« Les monologues de Gaza » ont fait l’objet de lectures et de performances par des jeunes du même âge dans le monde entier.

Des mots

Simples et magnifiques, qui racontent la guerre, avant et après.

«  Avant la guerre, je voulais devenir ingénieur électronicien… Et même si je le devenais, à quoi ça servirait ? … Si c’est pour être comme une rose sur un tas de fumier… » Ahmad Taha

Des mots qui les racontent dans leur jeunesse et leurs envies, l’âme chevillée au corps, malgré la guerre.

Une puissance d’écriture liée sans doute au vécu de l’histoire qu’il raconte, à leur jeunesse, on se laisse avoir, on se laisse pleurer (honteux de se rendre compte que quelque soit le conflit, nous restons tellement loin ou lointains, même si les infos nous informent des morts, ces morts nous semblent irréels).

Jamais de pathos dans ces monologues, Gaza la belle ensoleillée du bord de mer y est l’héroïne, portée par cette jeunesse sans fleur au fusil, sans fusil, armés de leur envie de théâtre. Pas d’insouciance, seul le souci d’un avenir meilleur.

« La guerre n’est pas finie. La guerre est grande et j’ai peur de grandir avec elle. » Suha Al- Mamlouk

«  On mangeait cent fois pas jour… Je pensais que c’était seulement chez nous… mais quand j’ai demandé autour de moi, on m’a dit que tout Gaza s’était jeté sur la nourriture ! » Tima’Akkacha

Puissiez-vous être boulimiques de bonheur… Vous n’aviez sans doute pas besoin de cette émotion qui m’a saisie.

Les monologues de Gaza
Théâtre Ashtar, traduction de Weiss Marianne
Les Éditions L’espace d’un instant, Paris, 2013
96 pages

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