article Djalila Dechache
Voilà un texte qui me pose problème. D’un côté celui d’une auteure engagée qui décrit ce qu’était quasiment son quotidien et de l’autre, un texte où il n’y a pas grand chose à dire.
Écrit à la première personne du féminin, une jeune fille refuse de quitter la Syrie. La Syrie actuelle, celle de maintenant qui saigne, qui vacille et décline. Fadwa Suleimane accuse, se rebelle, affronte durant 25 pages en faisant des allers-retours avec ce que dit la rue : elle est l’une des rares actrices qui a protesté contre le gouvernement d’Assad. C’est une grande force de cette jeune femme déterminée et convaincue d’autant que sa famille restée en Syrie l’a reniée.
Ce texte a le mérite de porter une voix bien vivante et qui plus est, celle d’une jeune femme parmi les femmes plutôt absentes en temps de paix et a fortiori durant cette bien triste actualité.Elle était une « jeune comédienne au théâtre et à la télévision » annonce l’éditeur en 4ème de couverture. « Elle a écrit cette pièce dès son arrivée en France en tant que réfugiée politique ».
Une femme en colère
Cela commence en didascalies qui listent les conflits et guerres du monde auxquels nous assistons, nous de ce côté-ci, sans rien pouvoir y changer.La jeune fille va se défendre, se rebeller, se révolter tout au long de ce monologue à plusieurs voix. L’auteur use sans cesse d’énumérations comme pour combler, pour décrire, pour témoigner.Pour être tout à fait honnête, ce texte n’apporte pas grand chose à ce que l’on sait par les écrans d’information planétaire.La bonne idée est d’avoir laissé des parties de texte en arabe. Il aurait même été encore plus génial de donner toute la traduction. Et c’est là que saute aux yeux la difficulté de traduire même avec l’excellente Rania Samara à qui nous devons la toute aussi excellente traduction du dernier texte du regretté Mahmoud Darwich, « Le joueur de dés ». En effet, le texte de Fadwa dans sa langue d’origine est très lyrique, physique, poétique, comme un chœur qui s’élève et brave, à la manière d’Antigone, le pouvoir en place ; à la lecture en français, le texte et le sens perdent beaucoup.Ainsi l’exemple de Zaman et maqan, (page 8, lignes 3 et 4) traduits très justement par temps et lieu. Sauf qu’en arabe les deux termes marchent ensemble, ne se séparent pas et en plus ils riment ce qui apporte une unité et un rythme à la lecture.De même lorsque la jeune fille affirme qu’elle aime les deux Omar, celui qui fait partie de sa vie et celui qui fait référence au 2ème calife de l’islam sunnite. C’est un renvoi important affirmant par là son appartenance précise à un moment où les luttes communautaires déciment la Syrie et par voie de conséquence les pays arabes.
Souhaitons que les textes à venir de Fadwa Souleimane soient porteurs de changements fondamentaux dans ses textes pour les séries et pièces de théâtre du monde arabe qui rappelons-le, dans le domaine du théâtre, n’a pas d’existence réelle.
Le passage
De Fadwa Souleimane
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