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Lecture • « Journal de Berlin » de Bertolt Brecht, L’Arche Editeur

Juil 13, 2014 | Commentaires fermés sur Lecture • « Journal de Berlin » de Bertolt Brecht, L’Arche Editeur

ƒƒ article de Camille Hazard

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8.11.48

« Engel arrive de Munich pour collaborer à la mise en scène de Courage. Il a beaucoup vieilli, mais les yeux sont encore reconnaissables. Sous le chapeau à ruban, sa tête ressemble à une tête de mort. »

Privé de sa nationalité allemande en 1935 par le parti nazi, Bertolt Brecht part s’installer aux Etats-Unis en 1941. C’est là-bas que ses pièces Mère Courage, La bonne âme de Setchouan, La vie de Galilée, Le Cercle de craie caucasien, L’ascension d’Arturo Ui (…) verront le jour.

C’est également aux Etats-Unis que naîtront ses premières recherches sur les effets de la distanciation au théâtre.

Puis, surgit le maccarthisme ; interrogé à plusieurs reprises par la commission des activités anti-américaines, Brecht se voit contraint de reprendre le chemin de l’exil. C’est en 1947 qu’il s’installe en Suisse avant de rejoindre l’Allemagne, année où il débute son Journal de Berlin.

Jusqu’en juillet 1955, un an avant sa mort, Brecht n’aura de cesse d’annoter dans ce journal réflexions théâtrales, politiques, privées, entremêlées de stupeur devant son pays natal, l’Allemagne, en pleine reconstruction psychologique après ces années de guerre et d’abomination.

1949

« Pour la première fois, j’ai senti le souffle asphyxiant du provincialisme de cette ville détruite, néanmoins grande. Une dévastation intellectuellement sans pareil semblait s’annoncer. »

Si le livre contient fidèlement les notes de l’auteur en ordre chronologique, quelques photos viennent témoigner de son travail de mise en scène, des photos posées ou prises sur le vif.

Une partie explicative à la fin du livre nous éclaire sur des noms, des événements dont Brecht ne souligne l’existence qu’au détour d’une phrase.

Ce qui frappe à travers ces notes, c’est de sentir à quel point Brecht garde une exigence de rédaction et de style. Bien que ces lignes ne soient pas destinées à être lues par autrui, son écriture garde toute sa majesté.

Souvent, Brecht ne précise presqu’aucune situation, le lecteur doit faire l’effort alors de prendre les informations à la volée, ce qui peut amener parfois l’impression que le livre nous glisse entre les doigts…

Autour de 1954

(…)

«  J’ai décidé de me créer une sphère isolée, utilisant à cet effet l’étage avec mon bureau et la petite place devant le maison, bordée par la serre et la tonnelle. »

Plus important que toutes les notes épluchées une par une, ce qui est surprenant plus globalement à la fin de l’ouvrage, c’est de déceler à quel point l’intime, le politique et l’acte créatif sont liés chez cet auteur. De notes décousues, surgissent l’image d’une vie complexe composée de mille et une pensées qui complètent l’homme de théâtre, l’homme engagé, l’homme social.

Et tant pis si parfois, des noms nous échappent. Nous voyageons dans l’intimité de Brecht. On voit se profiler les silhouettes de « La Weigel » (sa femme et comédienne qui dirigera le Berliner Ensemble après sa mort), de Peter Brook qui, apprend-on, doit se rendre à Berlin pour assister au spectacle de Mère Courage. Nous sommes les témoinsprivilégiés deses questions sur son métier, sa vie ; interrogations entremêlées d’évocations de Cocteau, Stanislavski, Ostrovski…

Ces notes intimes nous font emprunter les pas de Brecht, nous font presque toucher du doigt l’homme qui fut l’un des plus grands réformateurs du théâtre du XXème siècle.

 

Journal de Berlin
De Bertolt Brecht
L’Arche Editeur
168 pages, 17 euros

www.arche-editeur.com

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