Critiques, Lectures, Paroles d'Auteurs // Le Théâtre du Soleil, les cinquante premières années, de Béatrice Picon-Vallin, Actes Sud Beaux Arts en coédition avec le Théâtre du Soleil

Le Théâtre du Soleil, les cinquante premières années, de Béatrice Picon-Vallin, Actes Sud Beaux Arts en coédition avec le Théâtre du Soleil

Fév 18, 2015 | Commentaires fermés sur Le Théâtre du Soleil, les cinquante premières années, de Béatrice Picon-Vallin, Actes Sud Beaux Arts en coédition avec le Théâtre du Soleil

ƒƒƒ lecture de Camille Hazard

 

tds502-efb84

« Je considère que le théâtre doit être politique et historique et sacré et contemporain et mythologique. Ce sont seulement les proportions qui changent de spectacle en spectacle. »
Ariane Mnouchkine.

 

On ne compte plus les essais, documentaires, interviews, portraits… consacrés au Théâtre du Soleil depuis sa création en 1970. Mais ce dernier ouvrage de Béatrice Picon-Vallin, paru en novembre dernier, ressemble bien à un trésor, à de la mémoire vivante et vibrante.
Ex-directrice du CNRS, professeur d’histoire du théâtre au CNSAD, directrice des Editions du CNRS et des Editions L’ Âge d’Homme (arts du spectacle), Béatrice Picon-Vallin est aussi une complice de longue date d’Ariane Mnouchkine et de sa troupe. C’est à l’occasion du cinquantième anniversaire de la compagnie, qu’Actes Sud et le Théâtre du Soleil, coéditent ce livre de souvenirs brûlants, de transmissions humaines, et d’utopies fabuleuses.

A l’image de cette troupe qui, lors de chaque création, accueille les spectateurs dans une ambiance de fête généreuse et bienveillante, qui pense et réorganise chaque parcelle de mur, chaque rideau, chaque centimètre du théâtre pour plonger le public dans l’atmosphère de la nouvelle création, cet ouvrage témoigne d’une envie généreuse d’immerger le lecteur au cœur de la vie du Soleil. Mille et une pensées fourmillent à travers les 352 pages, et la multitude de petites attentions qu’on retrouve à l’intérieur du livre ou sur sa couverture amène une grande valeur au livre.
Toute l’histoire de cette compagnie nous est contée.
Pour que nous soyons témoins de cette aventure, pour que nous puissions transmettre à notre tour et ne jamais oublier que oui, à notre époque où les rêvent sont anéantis dès qu’ils commencent à naître, oui, certains d’entre nous ont réussi contre vents et marées, ensemble, collectivement, à faire vivre une utopie de théâtre humain et exigeant…

Archives, notes, coupures de presse, témoignages des enfants du Soleil (Guy-Claude François, scénographe ; Françoise Tournafond, costumière ; Erhard Stiefel, maître des masques ; Georges Bigot, comédien…), planches de photos des représentations, des répétitions, de la Cartoucherie, dessins de costumes, de scénographies, plans techniques des espaces… autant d’histoires et d’évocations qui attirent le lecteur dans le ventre du théâtre, dans les odeurs de maquillages abandonnés par des comédiens impatients de monter sur le grand plateau de répétitions, dans la poussière des costumes colorés, magnifiques, dans le bois fraîchement moulu des décors…

Mais l’histoire commence bien avant, lorsqu’Ariane Mnouchkine encore étudiante à la Sorbonne, décide de monter une troupe. Elle crée en 1959, avec Martine Franck et d’autres élèves, l’ATEP : l’Association théâtrale des étudiants de Paris. S’en suivront les premières créations, sans argent, sans lieu et sans nom.
La cuisine d’Arnold Wesker, spectacle monté en 1965, remporte plusieurs prix et marque un tournant décisif. Après quelques temps d’errance, Ariane Mnouchkine hérite de l’ancienne Cartoucherie dans le bois de Vincennes ; un grand espace, de la nature, du silence pour travailler, imaginer, rêver, jours et nuits !
Dès lors, la troupe ne s’arrête plus de créer et les premiers spectacles consolident la popularité de la troupe ; 1789, 1793, l’Age d’or
Découlent du travail des premières créations, le cycle des Shakespeare, puis l’entrée des formes japonaises, indiennes, orientales, marque un nouveau tournant, une envie d’aller plus loin dans la recherche d’un théâtre absolu, un théâtre qui cherche à « montrer le Monde ».
Hélène Cixous, écrivain pour le Soleil, intègre la troupe en 1985.
Ariane Mnouchkine a enfin la possibilité de monter des créations travaillées mais inabouties car sans plume d’un auteur ; les explorations théâtrales amènent la troupe à présenter un cycle de spectacles autour de la période antique; Les Atrides, Agamemnon, Les Choéphores, Les Euménides
Puis la caméra et le cinéma font leur entrée sur scène, transformant les habitudes de travail ; compositions théâtrales très cinématographiques, empreintes du cinéma muet, utilisation du noir et blanc, divers plans et points de vue s’invitent dans la mise en scène, désormais les répétitions sont filmées, derushées, classées par la troupe qui apprend ainsi à regarder les répétitions avec l’œil distancié du metteur en scène. Tambour sur la digue, Le Dernier Caravansérail et Les Naufragés du Fol Espoir, naissent du théâtre et du cinéma réunis ; rêve longtemps caressé par Ariane Mnouchkine…

Béatrice Picon-Vallin réunit dans ce magnifique livre, une mine d’or de traces, de souvenirs, de mémoire vivante qui n’a cesse de se constituer au fil des créations et des départs et arrivées dans la troupe.
Il fait bon d’avoir cet ouvrage avec soi, comme un rempart contre le scepticisme, le cynisme, contre les oiseaux de mauvais augure qui détruisent les rêves.
Parce que si le Théâtre du Soleil a réussi, alors d’autres aussi peuvent réussir et faire vivre leur utopie.

 

Le Théâtre du Soleil, les cinquante premières années
De Béatrice Picon-Vallin
Éditions Actes Sud Beaux Arts
Coédition le Théâtre du Soleil
352 pages, 45 €
www.actes-sud.fr

Actuellement au Théâtre du Soleil
Macbeth de William Shakespeare
Traduit et dirigé par Ariane Mnouchkine
Jusqu’au 29 mars 2015.
www.theatre-du-soleil.fr

Be Sociable, Share!

comment closed