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Critiques // Le Temps est la rivière où je m’en vais pêcher, d’après Henry James Thoreau, mise en scène David Gauchard, au Théâtre de la Croix-Rousse

Le Temps est la rivière où je m’en vais pêcher, d’après Henry James Thoreau, mise en scène David Gauchard, au Théâtre de la Croix-Rousse

Mai 27, 2019 | Commentaires fermés sur Le Temps est la rivière où je m’en vais pêcher, d’après Henry James Thoreau, mise en scène David Gauchard, au Théâtre de la Croix-Rousse

ƒƒ article de Victoria Fourel

Apprendre à ralentir. Se donner le temps de se reconnecter à soi et à ce qui nous entoure. Ce spectacle étonnant, tant dans sa forme que dans sa visée, nous propose de nous regarder nous-mêmes au gré des saisons, une lumière après l’autre. Une expérience troublante.

Troublante, d’abord parce qu’elle nécessite une forme d’acceptation. Il est bon que le spectateur soit prévenu, pris par la main. Attention, ce que vous vous apprêtez à voir n’est pas un spectacle comme les autres, c’est une contemplation, une méditation, un objet scénique, oui, mais pas tout à fait comme d’habitude. Il est bon de savoir ce qui nous attend, tant les premières minutes du spectacle nous obligent à ralentir, à observer, sans réelle action.

Une fois cette première phase passée, le spectateur prend de plus en plus sa place. Au fur et à mesure, on prend la mesure de la délicatesse du travail effectué : l’hiver, saison de l’intériorité, trouve une résonance dans la pratique du yoga. L’été, la légèreté des bruits d’eau harmonisent avec les voix… C’est très étrange, parfois un peu obscur, mais lorsqu’on oublie nos propres attentes, c’est juste très beau.

Le spectacle joue sur la multitude des biais, des moyens de faire parvenir une ambiance : travail sur la projection vidéo et la musique en direct, chant, corps, texte, toute la scène travaille à l’interprétation de l’œuvre de Thoreau. Une œuvre poétique et pleine de relief, qui n’a jamais été aussi actuelle qu’aujourd’hui, à l’heure de l’urgence écologique et du retour à la nature, à son rythme. On apprécie d’ailleurs beaucoup le passage parlé, qui permet de revenir au premier degré du texte, de refaire le lien avec l’œuvre d’origine. Sans cela, il serait peut-être plus difficile de se sentir complètement inclus dans le spectacle.

Cette performance, cette contemplation, c’est un objet dont on ne sait quoi penser pendant qu’elle dure. On a peur de s’ennuyer, de ne rien comprendre… Et étonnamment, à la fin, tout s’est bien passé. On a pris du plaisir, on n’a pas cherché à comprendre. On a ralenti notre rythme et on a tâché d’apprécier. Nous avons pêché à la même rivière.