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Le Tambour de soie, un nô moderne, mise en scène et chorégraphie de Kaori Ito et Yoshi Oïda, Théâtre de la Ville / Espace Cardin *

Oct 31, 2020 | Commentaires fermés sur Le Tambour de soie, un nô moderne, mise en scène et chorégraphie de Kaori Ito et Yoshi Oïda, Théâtre de la Ville / Espace Cardin *

 

© Christophe Raynaud de Lage

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Il est des instants suspendus et fragiles, d’une grâce infinie et miraculeuse, que des évènements extérieurs rendent brutalement aigus et douloureux. C’était un soir de première et ce fut un soir de dernière. Un ultime lever de rideau avant un nouveau confinement décidé pour un mois, probablement deux. Et un discours présidentiel où jamais devant les ravages qui s’annonçaient il ne fut question de culture…

Un vieil homme tombe amoureux d’une danseuse qui répète sur la scène qu’il balaye la folie d’un nô traditionnel. La jeune fille lui tend un tambourin et lui promet qu’elle sera à lui s’il le fait résonner. Mais la surface du tambour est en soie, la chose est impossible. Le vieillard humilié choisit de mourir. Son fantôme ensanglanté vient hanter la jeune fille. À l’origine il y avait un nô adapté par Yukio Mishima. Jean-Claude Carrière s’inspire de cette dernière version pour en extraire une épure. Sur scène ils sont trois, Yoshi Oïda, Kaori Ito et le musicien Makoto Yabuki.

Yoshi Oïda et Kaori Ito, une rencontre évidente. Ce nô n’est qu’un prétexte plus japonisant ici que japonais, à la croisée de l’orient et l’occident, comme ses deux interprètes expatriés qui puisent là leur originalité et leur inspiration. Nô, oui pour un art qui brasse théâtre et danse dans un même mouvement. Et ce mouvement jusque dans l’immobilité et le souffle. Immobilité et souffle qui participent de la danse. Une histoire de corps habité. La fragilité de Yoshi Oïda, compagnon d’aventure de Peter Brook, qui danse pour la première fois, à 87 ans. Vieillard usé, amoureux et humilié ou shité ensanglanté et vengeur c’est une présence phénoménale à la fois légère et assurée, un acteur invisible dans la toute-puissance et maîtrise de son art, de sa longue expérience, qui disparaît sous nos yeux et cède avec humilité la place à son personnage. Yoshi Oïda ne joue pas à être, il est. Illustration de la définition du nô selon Claudel pour qui « (…) le Nô c’est quelqu’un qui arrive. » Conséquemment avec lui, toute la théâtralité et le tragique à venir. C’est cela que porte en lui dès son arrivée, balaie et seau en main, Yoshi Oïda. C’est cela qui est fascinant. Kaori Ito est cette flamme ardente et têtue vêtue de rouge, la grâce déliée et la force acérée, ensemble tressées finement. Une danse protéïforme qui s’avance crânement en terrain inconnu mais toujours conquis. Comme autant d’interrogations sur son art et sa propre identité. Entre ces deux-là, ces deux artistes exceptionnels, une histoire de transmission, de filiation ténue. Ou ni le temps ni l’âge ne font rien à l’affaire. Une complicité, une intimité, qui émeut aux larmes et qui éclate au rythme des percussions de Makoto Yabuki, reflets, échos des sentiments troubles qui traversent ces corps qui expriment tant quand la parole vient à manquer, le verbe mentir, le silence hurler, le souffle trahir.

 

*en raison du confinement la représentation sera donnée en live streaming le vendredi 30 octobre à 19 h et le samedi 31 à 15 h sur le site du Théâtre de la Ville et en Facebook live, sans public dans la salle.

 

© Christophe Raynaud de Lage

 

 

Le Tambour de soie, texte de Jean-Claude Carrière inspiré de Yukio Mishima

Mise en scène et chorégraphie Kaori Ito et Yoshi Oïda

Musique Makoto Yabuki

Lumières Arno Veyrat

Costumes Aurore Thibout

Couleurs textiles Aurore Thibout et Ysabel de Maisonneuve

Collaboration à la chorégraphie Gabriel Wrong

Collaboration à la mise en scène Samuel Vittoz

Avec Kaori Ito et Yoshi Oïda

 

Du 29 octobre au 1er novembre 2020

À 19 h, le dimanche à 15 h

 

Théâtre de la Ville

Espace Cardin

2 av. Gabrielle

78008 Paris

 

 

 

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