© Christophe Raynaud de Lage
f article de Denis Sanglard
« Quand Dieu n’est pas là les anges se suicident en secret » Wim Wenders, les ailes du désir.
L’éternité c’est long, surtout vers la fin ! boutade de Woody Allen, à moins qu’elle ne soit de Kafka – les avis divergent -, c’est ce que vit cet ange qui s’emmerde quelque peu de ce temps qui ne passe pas, désespérant des hommes dont il n’attend visiblement plus rien, et pourtant n’espérant rien d’autre que d’acquérir cette humanité, juste pour être mortel, en finir une bonne fois pour toute et donner enfin un sens à cette vie entre terre et ciel qui n’en finit pas.
Après Hen-Cabaret (2019) et La (nouvelle) ronde (2023), exploration du genre, de l’identité et des sexualités, sujet subversif propre au cabaret dont il reprenait avec bonheur les codes, Johanny Bert change de registre et aborde aujourd’hui la philosophie et la spiritualité, les questions existentielles que cette âme en peine, errante et désabusée posent sur notre humanité en déroute et sa finitude. Et ça ne convainc pas, malheureusement. De la beauté et de la poésie il y en a, certes, de l’humour noir tempérant une sourde mélancolie aussi, mais par l’inventivité plastique et visuelle contenue dans chaque tableau qu’un soupçon de magie enchante encore davantage. Et pour ça, Johanny Bert est un artisan hors-pair, marionnettiste de talent dont l’imaginaire semble ne pas connaître de limite, explorant les possibles marionnettiques, et qui dans les précédentes créations faisait montre d’une insolence bienvenue pour dire le monde comme il va, c’est-à-dire pas très bien, franchement mal. Là où le bât blesse ici c’est dans le texte, prêchi-prêcha quelque peu abscons, soliloque à qui manque une vraie écriture et la puissance d’un style, chanté mais sans vraiment de nuance , pour tout dire monotone et qui finit par lasser. Cette expérience de lassitude justement pour cet ange qui attend une fin ne venant pas, finit par devenir celle du spectateur. C’est d’ailleurs dans les rares tableaux muets que l’enchantement opère véritablement qui se passe de tout discours. Les images déployées au fil des tableaux et portant loin par leur composition originale et leur beauté dramaturgique intrinséque, auraient suffi, suffisamment explicites et prégnantes pour ne pas être encombrées d’un propos qu’on peut juger un tantinet naïf, mais au demeurant sincère – on ne peut lui reprocher- au regard d’un sujet aussi consistant que rebattu.
© Cristophe Raynaud de Lage
Le spleen de l’ange, mise en scène, scénographie, lumières et interprétation de Johnny Bert
Musiciens en scène, composition et arrangements : Marion Lhoutellier, (violon et instruments électroniques), Guillaume Bongiraud (violoncelle et instruments électroniques), Cyrille Froger ( percussions et claviers)
Manipulatrice : Klore Desbenolt
Regards extérieurs : Prunella Rivière, Jonas Coutancier
Dramaturgie : Olivia Burton
Auteurs-compositeurs des chansons originales : Brigitte Fontaine, Bérangère Jannelle, Laurent Madiot, Alexis Morel, Yumma Ornelle, Prunella Rivière
Création costumes : Irène Jolivard, Pétronille Salomé
Création lumières : Gautier Le Goff
Construction marionnette : Amélie Madeline
Jusqu’au 26 octobre 2024 à 20h
TDV-Les Abbesses
31 rue des abbesses
75018 Paris
Réservations : 01 42 74 22 77
Theatredelaville-paris.com
Tournée :
7 novembre 2024 : Théâtre du Pays de Morlaix, Morlaix
13/15 novembre 2024 : Festival OVNI, théâtre 71, Malakoff-scène nationale
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