À l'affiche, Critiques // Le Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare, mise en scène de Guy Pierre Couleau, Théâtre du Peuple de Bussang

Le Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare, mise en scène de Guy Pierre Couleau, Théâtre du Peuple de Bussang

Août 10, 2016 | Commentaires fermés sur Le Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare, mise en scène de Guy Pierre Couleau, Théâtre du Peuple de Bussang

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

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© Laurent Schneegan

Un Songe d’une nuit d’été vécu comme une guerre des sexes où les femmes se révèlent à elles-mêmes, s’affranchissent de la tutelle des hommes, des pères, des lois patriarcales. Le temps d’une nuit, d’une fugue, d’une traversée dans une forêt mystérieuse peuplée d’êtres magiques, elfes et lutins, esprits des lieux en crise pour une querelle amoureuse qui voit la reine des fées s’éprendre jusqu’à la folie d’un âne. Guy Pierre Couleau met en scène le Songe d’une nuit d’été avec une juste et belle simplicité, respectueux d’un lieu qui à lui seul porte instinctivement cette histoire de façon singulière et troublante. Dans ce théâtre de bois unique, un décor en soi, environné de la forêt vosgienne, la magie opère d’elle-même. Ce qui débute par une tragédie, le refus d’Hermia d’épouser Démétrius aimé d’Helena, la décision de s’enfuir avec Lysandre pour échapper aux lois d’Athènes se métamorphose très vite en comédie, une fable poétique et magique, une traversée des apparences où chacun, d’abord bouleversé et confus par sortilège, soumis à ses instincts, finit par s’affirmer et imposer son amour. La mise en scène, volontairement simple et dépouillée donc, distille cependant sur ce plateau nu, mille petites merveilles, trouvailles et gags. Un plateau parsemé de feuilles de papiers de soie, vertes comme autant de feuilles d’arbres tombées et de mousses où nichent les fées, comme autant de pages vierges sur lesquelles l’histoire s’écrit au fur et à mesure. Quelques lasers parfois, sans abus de technique, pour créer des espaces, des frontières entre le visible et l’invisible, bulles qui isolent les personnages, séparent les elfes des humains. Mais la forêt est là, la forêt vosgienne, que l’on devine, qui respire et insuffle à cette mise en scène sa magie, son unité. Il suffit de tendre l’oreille, d’écouter le frémissement des arbres, que l’on devine derrière les vantaux du fond de scène et qu’impatients nous attendons l’ouverture, tradition oblige.

C’est aussi une pièce d’acteurs, formidable pour le jeu, le rapport au public, idoine pour Bussang, et Guy Pierre Couleau ne les lâche pas. Attentif à la métamorphose de chacun. Il donne ainsi une sacrée modernité aux personnages féminins, Hermia et Helena. Volontaires, volontiers pestes aussi, n’hésitant pas à en venir aux mains, loin des clichés des jeunes-premières, elles sont insoumises, rebelles à l’autorité masculine qui les contraint. Libres dans cette forêt propice aux sortilèges dont elles sont bientôt les victimes. Et les deux comédiennes s’en donnent à cœur-joie de prendre le contre-pied des jeunes-premières attendues. Et l’on rit beaucoup de leur traversée chaotique, de leurs égarements, de leurs confusions, de leurs peurs. C’est ce renversement des valeurs qui atteint même Titania, la reine des fées, devenue soudain stupide, abêtit par l’amour pour un âne, que Guy Pierre Couleau met en scène, fidèle en cela à Shakespeare. Un renversement des valeurs et une complexité, propre aux jeux amoureux, aux bouleversements qui peuvent atteindre les êtres affranchis des lois, en quête de liberté. Il n’y a pas jusqu’aux artisans, dont Bottom bientôt devenu âne par la facétie de Puck, qui ne soient soumis à ces métamorphoses et transgression. Magie du théâtre qui les voit le temps d’une représentation malhabile, faite de bric et de broc, hilarante, s’affranchir de leur condition d’artisans. Guy Pierre Couleau mène ce ballet féérique avec célérité, sans temps mort et sans effets inutiles, confiant en ces acteurs et au texte dont il restitue la magie avec trois fois rien et beaucoup d ‘intelligence.

Et quand traditionnellement s’ouvrent enfin les portes de fond de scène – l’impatience gagnait- c’est toute la forêt qui s’engouffre avec force sur le plateau. Comme si malgré le retour à l’austérité des lois d’Athènes, l’instinct naturellement s’imposait, la transgression gagnait, la nature se rappelait à nous. La réalité rejoignait comme par magie la fiction, la vie le théâtre. Jusqu’alors deux mondes semblaient s’opposer, en ouvrant les portes sur la clairière du théâtre de Bussang, c’est une autre conclusion qui s’impose, le nécessaire lien entre la nature et la culture, l’un n’allant pas sans l’autre. Tout Le Songe, tout Shakespeare, ou presque, résumé par cette ouverture.

Le Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare
Traduction de Françoise Morvan et André Markowicz
Mise en scène de Guy Pierre Couleau
Assisté de Carolina Pecheny

Scénographie Elissa Bier

Costumes Laurianne Scimémi, assistée de Blandine Gustin
Lumières Laurent Shneegans
Musique originale Philippe Miller
Masques et maquillages Kuno Schlegelmilch

Avec Sebastien Amblars, Pierre-Alain Chapuis en alternance avec François Macherey, François Kergoulay, Anne Le Guernec, Adrien Michaux, Rainer Sievert, Jessica Vedel, Clementine Verdier

Et

Eric Collombet, Pierre Gallo, Hugues Gesbert, Daniel Gille, Fionna Hamonic, Guillaume Kovacs, Margaux Langlest, Benjamin Le Merdy, José-Maria Mantilla, Noé Pflieger, Sandra Sadhardheen, Celine Sempiana

Théâtre du Peuple
40 rue du théâtre
88540 Bussang
Du 10 au 27 août 2016, du mercredi au dimanche à 15h
Réservations et renseignements : 03 29 61 62 47
info@theatredupeuple.com
www.theatredupeuple.com

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