ƒ Article de Pulcritude

Douce nuit, folle nuit ! Les élèves de l’école de théâtre du Lucernaire, sous la houlette de leurs professeurs Florence Le Corre et Philippe Person se jettent à corps perdus dans la joyeuse sarabande imaginée par Shakespeare en 1595. Aujourd’hui, la guitare électrique a remplacé la viole, mais les amours juvéniles et contrariées des quatre jeunes athéniens, au centre de l’intrigue, n’en demeurent pas moins touchantes et proches de ce que vivent, de tout temps, les adolescents. « Je t’aime, moi non plus » : à 18 ans, on refait sa vie chaque matin avec la même force de conviction ! Le choix de la pièce correspond bien à cette partie de la distribution. Les deux jeunes amoureux – qui jouent plusieurs rôles et s’en donnent à cœur joie – sont pleins de dynamisme, de fantaisie et de foi en leur futur métier. Les jeunes filles joueront en alternance. Dans les cours de théâtre, la parité est rarement respectée. Les Héléna et Hermia de ce soir, m’ont semblée, pour des raisons physiques, un peu distribuées à contre-emploi, mais les pédagogues doivent avoir leurs raisons, faisons leur confiance. Quelques chorégraphies sommaires et sans prétentions étayent le spectacle.

Le songe d’une nuit d’été est une pièce qui se joue sur trois niveaux. Celui des humains « huppés », qui vient d’être évoqué, celui des humbles artisans répétant une pièce scandaleusement bête et maladroite, pour célébrer les noces de Thésée et Hippolyte, leurs souverains, et celui surnaturel et onirique du monde magique dans lequel Obéron et Titania se chamaillent, comme des gamins, pour récupérer à leur service un petit page, enfant qui semble avoir été confié à la reine des fées par sa mère mourante. Oublions, tout de suite, ce que sociologiquement, on pourrait tirer de cet épisode ! Nous sommes là dans une comédie de plaisir, de joie, de loufoquerie, pas de réflexion, d’analyse ou de remise en question. Pourtant, la relation entre le roi et la reine des fées demeure en deçà de la dimension charnelle et perverse inhérente au texte. Les personnages ont plus de maturité sensuelle que les interprètes.

Le joyeux Puck, rôle androgyne, ici tenu par un garçon, est charmant et plein de promesses. Les elfes semblent avoir cinq ans et sortir d’un cours de danse du quartier, ce qui est un compliment. La Titania de ce soir possède une jolie voix parlée, grave, très agréable, genre Fanny Ardant (pour la chanson… il faudra travailler.)

Le final, c’est à dire la représentation du spectacle des artisans, est complètement ratée, ce qui est le but premier, mais pas ultime. Ce qui veut dire que le fouillis, aussi festif soit-il, n’est pas forcément le bouquet du feu d’artifice.

En conclusion, voilà une belle kermesse de fin d’année ! Du meilleur de la classe au pire des cancres supposés, chacun mérite les applaudissements de ses parents et amis. En l’occurrence, ces futurs intermittents méritent aussi ceux de leur premier vrai public.

Le songe d’une nuit d’été, de William Shakespeare, mise en scène de Florence Le Corre et Philippe Person, au théâtre du Lucernaire

Avec Léonard Ballestesteros, Lucas Bottini, Jordan Brendao Rodrigues, Cindy Del Salto Vitery, Florian Edet, Elena El Ghaoui, Bénédicte Fantin, Elodie Fischlenski, Manon Hincker, Florine Leleu, Angéliqua Louis, Thomas Modeste, Juliette Ramirez, Alice Serfati, Lollila Siourd

Lumière  Alexandre Dujardin

Décor  Vincent Blot

Musique originale  Manon Hincker

Du 20 juin au 8 juillet à 19h du mardi au samedi, dimanche à 16h

Du 11 juillet au 26 août à 19h du mercredi au samedi, dimanche à 16h

Réservation sur internet : www.lucernaire.fr

Téléphone 01 45 44 57 34