article Dominika Waszkiewicz

Depuis le 11 septembre, le Théâtre de la Madeleine présente un Lear transposé à l’orée de la Grande Dépression. Insouciance dorée d’avant le krach de 1929 et premiers symptômes d’un monde qui se fissure, c’est l’histoire d’un vieil homme rongé par l’hybris et dévoré d’une soif immodérée d’amour et de puissance. « On ne nomme pas encore cela « folie », plutôt « sénilité », mais c’est bien de cela qu’il s’agit », propose le metteur en scène. Michel Aumont, endossant le costume trop large du rôle-titre, promène ainsi son désappointement grandissant de scènes en scènes sans réussir à nous convaincre tout à fait pendant ces 2h30 de spectacle.

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Au milieu d’une scénographie glorieusement art déco et truffée d’emprunts aux artifices cinématographiques, les protagonistes semblent tout droit sortis des pages de Gatsby le Magnifique. Génération dorée et perdue, ils ont surtout le chic d’afficher de très beaux costumes signés Pascale Bordet. On regrette que la lisse harmonie des décors mobiles fleurant le studio hollywoodien soit rompue au quatrième acte par une grande toile peinte représentant les monts enneigés du Groenland. Référence au réchauffement climatique ou vision prophétique de ce que sera l’Angleterre à la prochaine glaciation ? Bref, la pièce est un peu à l’image de ce couac : voulant trop dire peut-être, elle se perd en des modernités qui n’en sont pas et ne parvient pas à trouver sa cohérence. Tout est un peu à l’image du jeu du Fou-clown grotesque (Denis D’Arcangelo) : un peu suranné, décalé, mais non de cette délicate désuétude qui fait même aimer la poussière qui la recouvre. Non, on pense plutôt à la lourdeur caricaturale d’un téléfilm défraîchi dans lequel les acteurs usent de codes émoussés. Hélas, ainsi exposés aux sourires de condescendance, les comédiens ont bien du mal à nous toucher, comme la rousse Cordélia (Agathe Bonitzer) dont la silhouette filiforme ne suffit pas à nous remémorer les troublantes grâces d’Ingrid Boulting.

Le Roi Lear 
De William Shakespeare
Adaptation et Mise en scène Jean-Luc Revol
Assistant mise en scène Sébastien Fèvre
Décors Sophie Jacob
Costumes Pascale Bordet
Lumières Bertrand Couderc
Son, musique Bernard Vallery

Avec Michel Aumont, Marianne Basler, Bruno Abraham-Kremer, Agathe Bonitzer, Anne Bouvier, Olivier Breitman, Frédéric Chevaux, Denis D’Arcangelo, Arnaud Denis, Jean-Paul Farré, Nicolas Gaspar, Éric Guého, Martin Guillaud, José-Antonio Pereira, Éric Verdin

Du mardi au samedi à 20h, dimanche à 17h

Théâtre de la Madeleine
19 rue de Surène – 75008 Paris
Métro Madeleine
Réservation 01 42 65 07 09
www.theatre-madeleine.com

 

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