À l'affiche, Critiques // « Le Révizor » de Nikolaï Gogol, mise en scène de Ronan Rivière et Aymeline Alix au Lucernaire

« Le Révizor » de Nikolaï Gogol, mise en scène de Ronan Rivière et Aymeline Alix au Lucernaire

Jan 09, 2015 | Commentaires fermés sur « Le Révizor » de Nikolaï Gogol, mise en scène de Ronan Rivière et Aymeline Alix au Lucernaire

ƒƒ article de Victoria Fourel

 1413277429_revizor_300Lorsqu’il écrit Le Révizor, Gogol n’a pas du tout conscience d’écrire une pièce révolutionnaire et hautement subversive. Pourtant, cette farce entre la tragédie et le vaudeville, entre le reportage et le fantastique, fait rire en dénonçant les failles du pouvoir, sujet d’ailleurs tout à fait moderne. Un jeune aristocrate est pris pour un inspecteur de l’État, qui serait venu contrôler la marche des affaires d’une province de Russie. Les personnages entrent alors dans un tourbillon de pots-de-vin et de stratégies pour acheter le jeune homme.

Il y a une vraie qualité visuelle dans le projet de Ronan Rivière, qualité qui frappe dès la première seconde. Le décor reflète cette administration bancale et sombre, et les couleurs, les lumières, les costumes, tout est sens dessus-dessous, dans la province. Aussitôt entré dans cette histoire, très vite lisible visuellement, donc, le spectateur est happé par l’énergie (du désespoir) des fonctionnaires, menés par Jean-Benoît Terral, parfait. Et chez les comédiens aussi, tout semble bancal et mal assorti, et c’est jouissif. On rit de leurs situations, le spectacle est mené tambour battant grâce à un pianiste sur le plateau (Léon Bailly). Ce parti pris, très intéressant, fait de son personnage une partie intégrante de l’action, et le comédien se laisse regarder sans que l’on voie son visage.

Tous ces éléments, pour le moins troublants, donnent un côté cinéma muet au spectacle, avec des apartés très visuels, des caractères excessifs et jouissifs, et un rythme effréné qui sert très bien le récit. Malgré une petite baisse de régime aux trois-quarts du spectacle, lorsqu’il faut en arriver à la résolution, le tout se tient très bien, jusqu’à l’excellente chute. On apprécie le jeu des comédiens, réglé à la seconde près, mais qui semble avoir réussi à laisser la place à la folie de la jeune provinciale qui se rêve distinguée, ou de l’oisif un poil vulgaire qui se prend au jeu du pouvoir. On apprécie tout particulièrement l’adaptation qu’a fait Ronan Rivière de la traduction de Mérimée. Elle est actuelle et très drôle, avec une certaine poésie. Ainsi, des personnages caricaturaux et franchement pas délicats nous surprennent tout à coup par leur poésie, leur candeur. Ainsi, Dobtchinski, interprété ici par Jérôme Rodriguez, demande à celui qu’il croît être le Révizor de dire aux hommes du monde qu’il croisera à Pétersbourg, que lui, le petit fonctionnaire de province, il existe. C’est tout. Ce que cela dit du désir de reconnaissance, de la vanité, de la ridicule quête d’avancement est à la fois terriblement actuel et sans âge, hilarant et inquiétant, joyeux et triste.

Le rythme effréné pourra peut-être perdre le spectateur, et il manquerait un peu de profondeur à certains des personnages, joués un peu trop fort et trop vite. Mais le travail des metteurs en scène, à la fois classique et original, reste un vrai moment d’humour. Un moment d’humour sérieux, au fond.

Le Révizor
Texte Nikolaï Gogol
Réduction de Ronan Rivière, d’après la traduction de Prosper Mérimée
Mise en scène Ronan Rivière et Aymeline Alix
Scénographie Antoine Milian
Costumes Elsa Fabrega
Lumières Xavier Duthu
Musique originale Léon Bailly
Avec Michaël Cohen (Bobtchinski), Ronan Rivière (Khlestakof), Jérôme Rodriguez (Dobtchinski), Christelle Saez (Maria), Jean-Benoît Terral (Le Gouverneur), Louis Thelier (Osip) et Léon Bailly au piano.

Du 7 au 25 janvier 2015
Du mardi au samedi à 21h30, dimanche à 17h

Le Lucernaire (Théâtre Rouge)
53, rue Notre-Dame des Champs – 75006 Paris
Métro Notre Dame des Champs ou Vavin
Réservation : 01 45 44 57 34
www.lucernaire.fr

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