article de Florent Mirandole

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Mathilde est revenue se venger. Comme une furie, Catherine Hiegel fend le gazon de Didier Bezace, son frère, et plante ses valises à ses pieds. Arrivée tout droit d’Algérie, elle et ses deux enfants entendent bien récupérer cette maison et ce jardin qui leur appartiennent. Nous sommes dans les années 1960. En quelques mots acides le décor est planté. L’exilée vient pourfendre la bêtise crasse de la province endormie incarnée par son frère. La scène d’ouverture du Retour au désert fait l’effet d’un coup de mistral. Emporté par l’énergie et la force de Catherine Hiegel, le spectateur sent le vent sur ses mollets. On est prêt pour le règlement de compte fratricide, sur fond d’OAS et de MRP. Mais malgré la séduction de cette première scène, Retour au désert peine très vite à s’élever au dessus des chicaneries familiales.

Le soufflet ne retombe toutefois pas tout de suite. Les répliques pleines de de gouaille de Mathilde, ou les réflexions de grippe-sou de son frère, restent vives et drôles. Les sorties nocturnes de la fille apportent un peu de mystère. Dans les ombres des arbres agités par le vent, la jeune fille cherche les fantômes et rencontre les hommes. Mais Didier Bezace finit de faire basculer la pièce dans le comique de boulevard. Drôle, enjoué, la performance de l’acteur nous réjouit tout en nous assurant que toute profondeur a été laissée en coulisses. Didier Bezace peint ici à gros traits un notable de province, qui règne sur une petite ville endormie a l’aide de ses camarades du Rotary. Ses répliques sont vives sans être profondes, brutales sans être contagieuse. Si le texte de Bernard Marie Koltes a surement vieilli, l’acteur ne fait rien pour apporter un peu d’épaisseur à cette pièce. Catherine Hiegel, si elle emprunte le même chemin burlesque, donne toutefois à son personnage un peu de hauteur. Femme abimée, cassée, et contrainte à l’exil après la guerre, cet Edmond Dantès féminin arrive à de rares moments à éclairer la crasse morale de la France des années 1960.

Alors qu’Arnaud Meunier semble avoir été attiré par la présence de la guerre d’Algérie, et l’actualité des thèmes de la pièce, le metteur en scène ne réussit par à déplacer le centre de gravité de sa pièce hors des joutes entre le frère et la sœur. Seul éclair de la pièce, le personnage du fils de Didier Bezace. Confit dans une vie morne et protégée, Edouard finit par se réveiller sous les coups de boutoir de son cousin. La performance de Cédric Veschambre est ici de créer un personnage insaisissable, tout à la fois révolté et faussement naïf, aux répliques drôles mais toujours inattendues.

Des promesses du départ, la France étriquée se confrontant au témoignage sur sa propre guerre, il ne reste quasiment rien. Les acteurs s’amusent mais les propos volent au ras des pâquerettes. La pièce se transforme définitivement en vaudeville lors de la dernière scène, où à l’absence d’émotion se mêle l’humour potache. On est proche de Qu’est ce qu’on a fait au bon dieu, loin de l’Etranger.

Le Retour au désert
De Bernard-Marie Koltès
Mise en scène Arnaud Meunier
Assistantes à la mise en scène Elsa Imbert, Émilie Capliez
Scénographie Damien Caille-Perret
Lumières Nicolas Marie
Son Benjamin Jaussaud
Vidéo Pierre Nouvel
Costumes Anne Autran
Décors & costumes Ateliers de La Comédie de Saint-Étienne
Avec
 Catherine Hiegel, Didier Bezace, René Turquois, Nathalie Matter, Cédric Veschambre, Elisabeth Doll, Isabelle Sadoyan, Kheireddine Lardjam, Adama Diop, Riad Gahmi
Louis Bonnet, Stéphane Piveteau, Philippe Durand

Du 20 au 31 janvier 2016

Théâtre de la Ville
2, place du Châtelet – 75004 Paris
Réservation 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com

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