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Le pire n’est pas (toujours) certain, texte et mise en scène Catherine Boskowitz, MC93

Déc 16, 2019 | Commentaires fermés sur Le pire n’est pas (toujours) certain, texte et mise en scène Catherine Boskowitz, MC93

 

© Bruce Milpied – Hans Lucas

 

ƒƒ article de Garance

Le pire n’est pas (toujours) certain parle d’un chien ou plutôt d’un homme ou alors un peu des deux. Un homme devenu chien qui à travers ses yeux nous dépeint avec toute l’innocence et la cruauté d’un regard neuf les camps de réfugiés de Thessalonique, à Calais. L’effroi est d’autant plus fort que cette situation qui semble emprunter ses codes à une fiction dystopique est finalement remplie d’humanisme et d’amour. Catherine Boskowitz a choisi de parler de différentes histoires, très précises et intimes, de les mélanger, de les confronter et ainsi ne pas tomber dans une vision limitée, dépersonnalisant celles de ces hommes et de ces femmes, rencontré.es notamment au foyer Oryema de Bobigny et à travers l’Europe. Préserver et ne pas tordre ces récits de vies si puissants. Pour se faire la pièce, presque documentaire, s’articule autour d’un noyau solide de différent auteurs et de textes. Principalement de l’essai Frères Migrants de Patrick Chamoiseau, mais aussi des écrits d’Hannah Arendt sur ce qu’est « penser ». Ainsi Paul Claudel (Le soulier de Satin), Antonio Tabucchi (Passé Composé) et Armand Gatti (Les 7 possibilités du train 713 en partance d’Auschwitz) sont convoqués de différentes manières, bien précises… Pour préserver et ne pas tordre ces récits de vies si puissants.

In medias res, les comédiens déjà engagés sur le plateau gesticulent, courent, assemblent ensemble – à la manière de l’écriture qui s’est faite au plateau dans un respect et une écoute de chacun – en une urgence, un plan, des lignes, une trajectoire, un chemin : celui de tous ces êtres devenus « migrants » à qui on a arrachés le statut et le droit d’être « Hommes », « Femmes ».

Il semble alors inconcevable voir antinomique de raconter ces histoires d’une seule manière, impossible d’uniformiser, d’aplanir les reliefs qui font la force de ce combat. C’est pourquoi la pièce fourmille d’outils techniques qui permettent une narration riche en images et reflètent la singularité de tous ces parcours (marionnettes, danse, dessins, chants, bruitages). D’abord un homme en robe, un homme qui narre à la manière d’une épopée eschyléenne une histoire où le monstre s’appelle Europe, Xénophobie ou encore Indifférence. Dans ce conte les symboles et les figures prennent corps : l’Europe se transforme en minotaure simultanément compulsif, égoïste et lucide sur la situation critique. Personnage pluriel et complexe auquel va se confronter une « fée-clown » d’un autre temps, et ainsi ramener une certaine légèreté. Cette légèreté va permettre à la pièce de s’extirper d’un potentiel pathos et donc d’une « victimisation » qui place ces hommes et femmes en situation d’impuissance. Impuissance qui renforce l’appropriation de leurs histoires les privant de leurs dignités et par la même étouffant leurs dernières libertés. Cependant à vouloir mélanger de manière abrupte différents registres de jeu (passant du naturalisme à l’absurde clownesque) certains propos se perdent en route et ne dépassent pas la barrière de la forme trop explicative, là où nous aurions aimé rester seuls.

En ouvrant la boîte de Pandore, avec ce sujet complexe, on pourrait s’attendre à sortir le cœur lourd, néanmoins le message d’espoir reste plus puissant et omniprésent. On nous présente des personnages de contes de fée, des héros et héroïnes qui survivent et se battent inconsciemment pour l’avenir de l’homme et ses droit fondamentaux à exister, se battre contre l’appropriation de terre, se battre pour la liberté de chacun. Personnages qui ici même, après avoir été broyés par le système, continuent à croire en l’humanité et à l’aimer.

 

© Christophe Pean

 

 

Le Pire n’est pas (toujours) certain, écrit et mis en scène par Catherine Boskowitz

Avec Marcel Mankita, Nanténé Traoré, Frédéric Fachéna, Estelle Lesage, Andreya Ouamba et Catherine Boskowitz

Musique Jean-Marc Foussat
Lumières Laurent Vergnaud
Scénographie Jean-Christophe Lanquetin
Costumes Zouzou Leyens
Dessin Catherine Boskowitz
Assistanat à la mise en scène Laura Baquela
Régisseur plateau Paulin Ouedraogo
Assistants scénographie Anton Grandcoin et Jacques Caudrelier
Stagiaires technique plateau Kosta Tashkov, Khalid Adam et Aboubakar Elnour

 

Avec l’accompagnement amical d’Anne-Laure Amilhat Szary, géographe, professeure à l’Université Grenoble-Alpes et à Pacte, Laboratoire de Sciences Sociales.

Remerciements pour leur aide et leurs conseils artistiques à Maria Zachenska (clown), à Myriam Krivine (chanteuse lyrique) et à Matisse Wessels (marionnettiste).

 

Du 11 au 21 décembre 2019

 

 

Durée 1 h 50, nouvelle salle

 

 

 

MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis

9 boulevard Lénine
93000 Bobigny

 

Réservation 01 41 60 72 72

www.mc93.com

 

 

 

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