Critique d’André Antébi –

Au Nouveau Théâtre de Montreuil, Gilberte Tsaï a voulu « rendre justice » à Manuel Puig, auteur méconnu pour son théâtre et très peu joué en France. Plus connu pour ses romans et l’adaptation cinématographique de l’un d’eux en 1976 par Hector Babenco  (Le Baiser de la femme araignée), Manuel Puig écrit en 1986 Le mystère du bouquet de roses. Dans cette pièce il évoque la rencontre entre deux femmes dans une clinique huppée de Buenos Aires. L’une, âgée et fortunée (Christiane Cohendy), est hospitalisée dans un état dépressif et mélancolique et veille sur ses somnifères comme sur ses plus beaux bijoux. L’autre (Sylvie Debrun), entre deux âges, est son infirmière particulière et va tenter de lui redonner goût à la vie. Toutes les deux cachent un passé qui pèse encore sur leur vie, un secret qui sera le ciment de leur relation.

Dans cette chambre d’hôpital que seule l’infirmière peut quitter de temps à autre, un long dialogue s’engage entre les deux femmes. Au fil de la pièce, les archétypes, lisses et profondément clichés, font place à la complexité de ces deux être présents dans la même pièce.

La mise en scène de Gilberte Tsaï repose sur cette complexité et sur la relation de ces personnages nouée autour des secrets qui refont surface régulièrement à travers les songes des protagonistes. Et le doute s’insinue peu à peu…De la malade à l’infirmière, on ne sait plus vraiment qui est qui, ni même ce qui relève de la réalité ou de l’imagination. Et pour porter ce spectacle, les comédiennes forment un tandem très touchant et se fondent sans aucun souci dans l’univers « soap opera » et glamour de la pièce. Oscillant entre la parodie et le drame psychologique, entre le mensonge et l’entraide, entre le désespoir et la mesquinerie, elles s’imposent dans les méandres de ce long dialogue.

On peut regretter cependant que la mise en scène n’échappe pas elle-même à certains clichés, notamment dans le traitement des rêves pour lesquels les effets de lumière, la machinerie et le systématisme finissent par lasser. Dans ces moments-là, le formalisme prenant le pas sur l’onirisme, l’émotion ne parvient plus jusqu’à nous et le lien si finement tendu jusqu’alors entre la scène et la salle est rompu.

Il s’en faut de peu pour que nous soyons totalement perdus, mais les comédiennes savent par la suite nous réintégrer au spectacle et nous ravir de leur vitalité.

Le Mystère du Bouquet de roses
De : Manuel Puig
Traduction et mise en scène : Gilberte Tsaï
Avec : Christine Cohendy, Sylvie Debrun
Scénographie : Laurent Peduzzi
Lumière : Hervé Audibert
Son : Bernard Valléry
Costumes : Cidalia Da Costa

Du 15 mars au 15 avril 2010

Nouveau Théâtre de Montreuil – CDN
26 Place Jean Jaurès, 93 100 Montreuil
www.nouveau-theatre-montreuil.com

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