© Dorothée Thébert Filliger

ƒƒ Article de Victoria Fourel

Sorcière ! Elle est solitaire, réfractaire aux lois de la famille et du marché, mystérieuse et indépendante, elle sera la victime d’un système qui peine à la contrôler. A partir de cette figure magique et historique, les comédiennes du collectif Marthe explorent comment on transforme le corps de la femme en un instrument de la norme, un outil de domination capitaliste.

Il y a tout de suite le terrain de la recherche, dans ce spectacle. Improvisation, musique, peinture, exposition d’images de grandes figures de la chasse aux sorcières, lectures scandées de textes, débats sur la composition d’un tel  spectacle… On est dans quelque chose de très représentatif d’un nouveau théâtre, qui aime à utiliser le son amplifié, le chœur, la nudité, qui aime à briser le quatrième mur, bref, qui aime à faire tout exister. En découle une forme moderne mais un peu scolaire, qui tente malgré elle d’être exhaustive. Cela manque presque un peu de vide, mine de rien, en essayant de mettre en pratique tout ce que le théâtre sait faire.

Le fil conducteur, c’est la vie de Marthe. Sage-femme, ouvrière, révolutionnaire, sorcière, Marthe c’est la femme que les édits des rois tentent de diminuer. Il est intéressant du point de vue narratif que les artistes interviennent et reviennent constamment à la vie de Marthe, comme pour dire : « C’est arrivé. N’oubliez pas que ce ne sont pas que des théories, des mots et des compte-rendus historiques, ce sont aussi des Marthe et des Eliette ». Mais justement, on manque de cette fiction. On manque que le propos politique et philosophique disparaisse un peu et que le théâtre nous le transmette, qu’il passe par autre chose que la théorie, très présente dans le spectacle. Parfois, la tension monte, les personnages se dessinent, le nez de la sorcière prend vie, et soudain, la magie se brise.

Spectacle militant et entier, Le Monde Renversé tombe parfois dans le trop plein d’idées, l’exposé théâtral, dans des tableaux indépendants. Il y a en revanche une force indéniable dans le collectif, dans la féminité et la jeunesse assumées de ce théâtre, qui envahit le plateau, et de plus en plus de plateaux, montrant que l’Histoire est un terrain à réinterpréter, à lire sous un prisme nouveau. Les jeunes comédiennes prouvent, et c’est important, qu’une nouvelle génération s’intéresse à la recherche au plateau, à la théorie, à la réflexion collective. Si bien sûr il y a une accumulation un peu volontariste, on ne peut nier l’avenir d’une telle réflexion, et l’intérêt à la mettre au plateau.

Le Monde Renversé

Ecriture mise en scène Clara Bonnet, Marie-Ange Gagneux, Aurelia Lüscher, Itto Mehdaoui

Avec Clara Bonnet, Marie-Ange Gagneux, Aurelia Lüscher et Itto Mehdaoui.

Dramaturgie et écriture  Guillaume Canet
Création lumière  Clémentine Pradier
Chorégraphie  Marjory Duprés

Du 11 au 25 janvier 2018
Les lundis, mardis, jeudis, vendredis et samedis à 20h

Théâtre de la Cité Internationale
17 boulevard Jourdan
75014 Paris

Réservation 01 43 13 50 50

http://www.theatredelacite.com

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