Critiques // « Le Mariage forcé » de Molière, mise en scène Pierre Pradinas à la Comédie Française

« Le Mariage forcé » de Molière, mise en scène Pierre Pradinas à la Comédie Française

Mai 30, 2010 | Aucun commentaire sur « Le Mariage forcé » de Molière, mise en scène Pierre Pradinas à la Comédie Française

Critique de Bettina Jacquemin

Au delà de la farce…

Sganarelle, bourgeois célibataire, la cinquantaine passée s’apprête à épouser la fille du seigneur Alcantor, la belle Dorimène. Quelques doutes sur les réelles motivations de la future épouse le mène à multiplier les consultations. Il exprime tout d’abord sa réserve auprès de son meilleur ami, Géronimo puis questionne les philosophes Marphurius et Pancrace. Il consulte enfin les diseuses de bonne aventure. Indécis, il surprend sa future promise en pleine conversation avec…un amant. Assez pour renoncer au mariage. Mais, c’est sans compter sur la belle-famille. Le père et le frère de Dorimène en ont décidé autrement…

© Brigitte Enguérand

Délicieusement mordant

La curiosité est plutôt vive à l’idée de découvrir une comédie-ballet. Pierre Pradinas met en scène Le mariage forcé au Studio-Théâtre de la Comédie française. Une pièce en un acte datant de 1664 et issue de la collaboration entre Molière et Lully. Molière y façonne certains personnages dont le caractère se retrouve par la suite dans d’autres œuvres et fait preuve d’un savoir-faire dans lequel il est passé maître, la juste adéquation entre fantaisie et insolence.
La comédie est mordante. Sous les traits de Sganarelle, dont l’interprétation proposée par Bruno Raffaelli est désarmante à souhait, la logique scolastique et les penseurs sont épinglés. Le doute demeure quand le personnage principal ne trouve aucune réponse à ses questions auprès des Docteurs aristotéliciens et pyrrhoniens ; « Homme de suffisance, homme de capacité, homme consommé dans toutes les sciences (…) homme savant, savantissime per omnes modos et casu, homme qui possède, superlative, fables, mythologies et histoires (…) ». Des savants brassant beaucoup de vent pour ne rien dire et interprétés par Nicolas Lormeau et Gilles David s’agitant sur scène, comme il faut !

© Brigitte Enguérand

Autant qu’une charge contre les pensées dominantes, Le Mariage forcé est aussi l’histoire d’un homme à la recherche d’une « femme-objet » et d’une Dorimène, cupide. L’auteur pose également un regard sur le mariage et les conventions. « Un homme de 53 ans veut épouser une fille de 20 ans… ». Des interrogations propres à l’Institution qui « demeurent », aujourd’hui précise le metteur en scène.

Une alliance savoureuse

Molière collabore pour la première fois avec Lully. Les chants se mêlent ici à la farce grinçante. Loin d’être purement esthétiques, ils donnent un appui « joyeux » à la tragédie et servent un propos lucide sur l’époque.

Il fallait le talent vocal des comédiens présents sur scène pour rendre au mieux l’intensité que procurent les propositions musicales. Si, la chorale finale constituée de tous les comédiens est loin d’être convaincante, la prestation proposée par les deux comédiennes Elsa Lepoivre et Marie-Sophie Ferdane (les deux égyptiennes) nous enchante.

Une excellente distribution. Une mise en scène épurée. L’œil n’est pas distrait. L’occasion de savourer un texte. L’art de Molière d’accumuler les énumérations ou de démultiplier le dialogue apaisent les réalités tragiques et suscitent avant tout le rire. Une saveur intemporelle !

Le Mariage forcé
De : Molière
Mise en scène : Pierre Pradinas
Avec : Bruno Raffaelli, Jérôme Pouly, Elsa Lepoivre, Christian Gonon, Léonie Simaga, Nicolas Lormeau, Clément hervieu-Léger, Grégory Gadebois, Marie-Sophie Ferdane, Gilles David
Scénographie : Pierre Pradina et Orazio Trotta
Lumières : Orazio Trotta
Musique : Dom Farkas et Thierry Payen d’après Jean-Baptiste Lully

Du 27 mai au 11 juillet 2010

Studio-Théâtre de la Comédie Française
Galerie du Carrousel du Louvre, 99 rue de Rivoli, 75 001 Paris
www.comedie-francaise.fr

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