© Pieter Dumoulin

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Le théâtre Bastille depuis plus de trente ans a toujours mis à l’honneur la scène flamande, une scène inventive et à la grande vitalité. Tg Stan en sont quasi pensionnaire, Guy Cassiers, Alain Platel, Jan Lawers… sont passés par là. Initié en 2017 par Guy Cassiers et le Toneelhuis (le théâtre de la ville d’Anvers) le projet P.U.L.S (Project for Upcoming Artists for the large stage) est un dispositif artistique qui favorise l’accompagnement et l’accès aux grands plateaux pour de jeunes artistes. Entre autres. C’est ce dispositif que le Théâtre Bastille accueille du 09 au 18 octobre. Timeau de Keyser / Collectif Tibaldus, Hannah de Meyer, Bosse Provoost / Kraagsteen, sont les invités de cette initiative. Nous découvrirons ces deux derniers prochainement.

Tentons de résumer. Une auberge devenue royaume imaginaire pour un soldat rêveur où rien ne semble impossible. Devenir roi et tyran, « son propre dieu », inventer sa vie au fil du songe qui la gouverne et de son propre langage. Jusqu’à la contradiction. Rêve ou cauchemar, les situations basculent, pendulent, les personnages changent d’identité. Rien de stable ni d’absolu, tout est mouvement, glissement furtif d’un état, d’une situation à l’autre. Et derrière cette impermanence, cette intranquillité, l’inquiétude de l’homme contemporain devant son destin soumis à tous les bouleversements, à la folie du monde. Timeau De Keyser et le collectif Tibaldus adaptent de façon radicale la pièce de Gombrowicz. Plateau nu, espace de jeu délimité par un ruban adhésif, quatre puissants projecteurs pour éclairer l’ensemble et une toile blanche suspendue au lointain. Rien d’autre. Un dépouillement sans austérité pour que rien ne fasse obstacle entre l’acteur et le texte. Le corps, le langage et la force poétique des deux mis à nu. La musicalité de langue et l’expressivité du corps. Surtout empoignant fermement le langage c’est ce dernier qui définit la mise en scène et ses contours, l’interaction entre les personnages, les situations. Timeau De Keyser dégraisse au maximum la théâtralité, réfutant même une certaine psychologie du personnage, jouant pour cela du grotesque, pour n’en garder que l’essentiel, la langue, en faire un formidable terrain de jeu, un moteur, un acte performatif qui détermine le destin de chacun, les relations des uns avec les autres, traversé par la folie. Rien d’austère pour autant, tout cela est très ludique, très drôle même. Inventif et subtil. La farce et la tragédie se chevauchent sans heurt. Les corps subissent d’étranges métamorphoses propres aux rêves, on ne s’étonne donc de rien. Ni de leurs soubresauts, ni des changements de genre abrupto. Pas même de ces marches collectives étranges, défilés aux gestes marqués et saccadés de façon si singulière. Louchant vers l’expressionisme pour mieux contrer sans doute toute tentation de vraisemblance, de vérité et s’ancrer davantage encore dans rêve. Le plateau est traversé d’une formidable énergie commune, propre au collectif, qui insuffle à tout ça une dynamique sans faille, sans temps mort. Tout participe au songe d’Henri, tout y est faux et, paradoxe du rêve, tout y est vrai. Pas meilleure définition à vrai dire pour le théâtre. On peut donc y chanter impromptu des polyphonies, ponctuations qui traversent cette mise en scène et révèlent la musicalité du texte et lui donnent une étrange solennité, accusant un peu plus l’étrangeté de l’ensemble. « Ce n’est qu’un rêve, un peu naïf mais qu’importe. »

© Pieter Dumoulin

Le mariage d’après Witold Gombrowicz

Traduction  Paul Beers

Spectacle de Timeau De Keyser

De et avec

Simon De Winne, Hans Mortelmans, Ferre Marnef, Lieselotte De Keyser, Katrien Valckenaers, Hendrik Van Doorn, Sander De Winne, Lieven Gouwy

Du 9 au 12 octobre 2019 à 20 h 30

Théâtre de la Bastille

76 rue de la Roquette

75011 Paris

Réservations 01 43 57 42 14

www.theatre-bastille.com

P.U.L.S

New Skin d’Annah De Meyer du 11 au 16 octobre à 19h30

Matisklo de Bosse Proovost du 15 au 18 octobre à 20h30

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