Critiques // Critique • « Le Horla » de Guy de Maupassant par Jérémie Le Louët au Théâtre Mouffetard

Critique • « Le Horla » de Guy de Maupassant par Jérémie Le Louët au Théâtre Mouffetard

Nov 12, 2011 | 2 commentaires sur Critique • « Le Horla » de Guy de Maupassant par Jérémie Le Louët au Théâtre Mouffetard

Critique de Camille Hazard

Nous retrouvons avec une joie profonde la Compagnie des Dramaticules et tout particulièrement Jérémie Le Louët à l’occasion de sa dernière mise en scène, Le Horla de Guy de Maupassant (création Avignon 2010).
Depuis le Festival d’Avignon 2006 où nous avions découvert leur première mise en scène « Macbett » d’Eugène Ionesco, la compagnie crée régulièrement des spectacles, participe à de nombreux projets pédagogiques, organise régulièrement des rencontres théâtrales, des stages… Enfin, elle prospère dans une dynamique créatrice bien réjouissante !

L’entité, la patte et l’originalité de cette compagnie résident principalement dans la manière d’appréhender les textes littéraires choisis (pourtant très différents !). Dans les mains du metteur en scène Jérémie Le Louët, les textes nourris de phrases et de ponctuations, deviennent partition de musique avec notes et silence. Les mots sont d’abord dépouillés de leur sens premier pour nous parvenir, nourris, étoffés de sonorités, de textures, enfin pour participer à une compréhension sensuelle du texte. Les mots sont vivants…

© Sébastien Chambert

On retrouve cette quête du verbe et du phrasé dans Le Horla.

Dans son adaptation, J. Le Louët ne dispose que de quelques accessoires pour faire renaître l’ambiance pesante et surnaturelle de cette nouvelle fantastique :
Fin du XIXe Siècle, un homme oisif, vivant seul au milieu de quelques domestiques en Normandie, tient un journal intime. Il y décrit ses angoisses, ses malaises de plus en plus aigus. Folie, rêve, possession ? La présence d’un être invisible commence petit à petit à le ronger…
« Malheur à nous ! Malheur à l’Homme ! Il est venu, le… le… comment se nomme-t-il… le… il me semble qu’il me crie son nom, et je ne l’entends pas… le… oui… il le crie… J’écoute… je ne peux pas… répète… le… Horla… J’ai entendu… le Horla… c’est lui… le Horla… il est venu ! »

J. Le Louët met en scène et interprète le personnage, depuis son quotidien de « rentier » des plus désœuvrés, jusqu’à ses tourments les plus morbides et cauchemardesques. Et c’est en s’immergeant dans plusieurs atmosphères, en mêlant plusieurs influences qu’il recrée un monde complexe, débordant de contradictions et d’inconnu.

« Le Horla, c’est le protagoniste qui ne se reconnaît plus.
Le horla, C’est l’autre, l’étranger […].
Le Horla, c’est nous, l’Homme du présent, disséquant l’Homme du passé terrifié de son avenir. »

J. Le Louët

© Sébastien Chambert

Une silhouette longiligne un peu maladive (non sans rappeler Anthony Perkins dans Psychose), des yeux noirs, perçants, flamboyants qui nous plongent dans les films expressionnistes des années 20 et puis tout un travail de lumière et de son qui enferme ce corps dégingandé sous la domination de cet être invisible, Le Horla.
La lumière permet de le matérialiser, par des ombres, des raies, des mouvements lumineux… Le son, les bruits participent également à l’imagination de ce corps irrationnel.
Dans son jeu, J. Le Louët organise un va-et-vient de différents registres bien orchestré et déroutant les spectateurs : parfois exalté, emporté dans un lyrisme extrême, baroque, presque comique, il se recroqueville et revient à un jeu fermé, frénétique et distancié, au bord de la schizophrénie.
Les quelques accessoires noirs et rouges qui parsèment le plateau vivent plusieurs rôles au cours du récit : une échelle prend le visage du Mont saint Michel, Puis de la Tour Eiffel, une bouilloire fumante évoque soudainement un mauvais génie sorti d’une lampe merveilleuse… Beaucoup de trouvailles scéniques aident à extérioriser les mots de ce récit plutôt intime et confident.
Un spectacle à la fois feutré, secret et fiévreux, dans lequel nous côtoyons la fureur, la possession et le désespoir de cet homme, en même temps que nous scrutons avec distance, ce spécimen entrainé dans sa folie meurtrière.

Le Horla
De
: Guy de Maupassant
Interprétation, mise en scène et dispositif scénique
: Jérémie Le Louët / Cie des Dramaticules
Lumière
: Jean-Luc Chanonat
Son et régie
: Simon Denis, Thomas Chrétien

Du 17 novembre au 18 décembre 2011
Du mercredi au samedi à 19h, le dimanche à 15h

Théâtre Mouffetard
73 rue Mouffetard, Paris 5e
Métro Place Monge – Réservations 01 43 31 11 99
www.theatremouffetard.com

www.dramaticules.fr

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